Le nom de la soeur
Au cœur des jours et des nuits
Le nom de la soeur
La
sœur prénommée Germaine n’a jamais accepté de donner son nom de famille. A ma
demande insistante, elle ajoute tout au plus le nom de sa congrégation
religieuse. Et je me dis que la sœur fait comme la plupart des Congolais.
Beaucoup ne font aucune différence entre le prénom, le post-nom et le nom de
famille. C’est vrai : ils ignorent la différence. Sur les plateaux de
télévision, à la radio, les animateurs appellent les invités par leurs prénoms
comme s’ils étaient en famille, comme s’ils étaient copains.
Mais
je viens d’apprendre qu’en réalité, la religieuse n’ignore rien. Elle sait la
différence. Mais elle craint, en donnant son prénom, de révéler sa tribu, son
origine. Et révéler sa tribu, pour elle, c’est s’exposer. Soit des compatriotes
informés de son appartenance tribale se sentiront rejetés par la religieuse.
Soit la religieuse elle-même se sentira désormais étrangère à la famille des
frères et sœurs, comme on s’appelle dans l’Eglise et dans la vie consacrée.
La
prochaine fois que je rencontrerai la religieuse, je lui dirai qu’il ne lui
sert à rien de cacher son origine tribale. Qu’elle parle français ou lingala,
on entend bien l’accent. Son origine tribale, on ne s’y trompe pas.
Je lui
dirai aussi que le mérite pour la religion chrétienne, et pour l’Eglise
catholique, et pour sa congrégation religieuse, c’est de réunir, dans la même
famille, la famille de Dieu, des hommes et des femmes de toutes races, langues,
peuples et nations et tribus. Je lui dirai alors que cacher ses origines, c’est
cacher la diversité, ce grand mérite de la religion, de l’Eglise, de la foi
chrétienne.
Dans le
monde païen d’aujourd’hui, les idéologies politiques, par exemple, ne
parviennent pas à nous réunir et à faire que nous nous reconnaissions comme des
fils et filles d’une même famille, la famille humaine voire, simplement, comme
des concitoyens, des compatriotes. Les idéologies prétendent que ceux qui ne
sont pas de notre tribu sont nos ennemis potentiels et presque réels. Les
idéologies ont tort.
Je
dirai aussi à la religieuse que cacher ses origines tribales, c’est entretenir
le même complexe que celui de la « crépitude ». Le complexe des
femmes noires qui cachent leurs cheveux crépus tout naturels et beaux en portant
des chapeaux et des cheveux d’emprunt qui les fait ressembler à des femmes de
race blanche, avec des cheveux longs et bruns, blonds, roux. Le ridicule, c’est
que personne ne prend ces femmes pour des Blanches. Même pas lorsqu’elles
s’éclaircissent la peau à l’hydroquinone.
Jean-Baptiste MALENGE Kalunzu
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