La révolution dans le bruit
Au cœur des jours et des nuits
La
révolution dans le bruit
Dans
la capitale Kinshasa et dans les villes du pays, nous avons fêté Noël et le
Nouvel an dans le bruit. Un bruit d’autant plus fort que les fêtes de fin
d’année sont bien les dernières de l’année, et l’on voudrait y aller jusqu’à
l’ivresse. Parce que le bruit donne aux citadins, semble-t-il, l’euphorie que
procure l’alcool, par exemple. Plus il y a de bruit, dans nos villes, mieux on
se sentirait dans son corps et peut-être aussi dans son esprit. Mais le calme,
le silence, il faut désormais sortir de nos villes pour le trouver et en
bénéficier.
Il
y en a qui craignent la folie lorsqu’on les tient dans le silence, dans le
calme. Le silence fait peur. Il vous oblige à penser à vous. Il vous oblige à
faire attention, à écouter l’autre qui souffre, l’autre qui vous aime, l’autre
qui pense, qui réfléchit, qui argumente.
Le
Kinois moyen a peur du silence, parce qu’il préfère penser à la responsabilité
des autres et jamais à lui-même, à ce qui l’engage, à ce qui le compromet. Parce
qu’il ne veut écouter personne. Parce qu’il n’a pas besoin de réfléchir. Il
riposte, il conteste, il proteste. Il crie, il produit du bruit, il cultive le
vacarme.
Le
Kinois ne pleure pas ses morts, il a peur de la mort, et il fait du bruit pour
se distraire, éloigner de son esprit toute pensée de la mort. Le Kinois ne
jubile pas dans les fêtes, il s’enivre, il oublie pourquoi. Il évite de savoir.
Pour
le bien et le mal qui lui arrive, c’est l’Etat qui en est la cause, pense-t-il.
Ce sont les sorciers qui agissent. Et surtout, c’est Dieu qui doit agir. Dieu,
le Kinois le prie à tue-tête. On amplifie le son grâce aux instruments
techniques toujours plus performants.
Depuis
qu’il y a l’électricité dans nos villes, on se procure ainsi le vertige sous le
bruit, le tintamarre. Personne n’écoute la musique pour lui seul. Personne ne
prêche pour son église, sa chapelle. Tout est dans la rue, tout est pour la
rue.
L’électricité
a apporté la modernité. Et les villages envient les cités et les villes. Les
villages bien calmes, trop calmes, peut-être, attendent la modernité. Ils attendent
l’électricité pour faire aussi du bruit. Pour amplifier les sons du tam-tam,
pour amplifier la voix des chanteurs et griots et des pleureuses. Pour se
distraire, pour s’oublier et oublier les autres.
Et un
jour, avec la modernité et l’électricité, plus personne ne se souviendra de
rien. Ce pays perdra jusqu’à son propre nom. Il ne portera plus qu’un prénom voire
un prête-nom. Le pays sera vendu, comme dit. Parce que dans le bruit, on l’aura
oublié.
Jean-Baptiste Malenge Kalunzu
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