Quarante et unième Journée mondiale des moyens de communication sociale
Maîtriser la télécommande
"Les enfants et les moyens de communication sociale : un défi pour l'éducation". Le pape Benoît XVI a choisi ce thème pour la célébration de la quarante et unième journée mondiale des communications sociales. Dans l'Eglise de la RDC, la fête tombe, cette année, le 24 juin, soit le premier dimanche après celui du Sacré-Coeur, suivant une décision de la Conférence Episcopale. En effet, pour souligner l'importance des médias, les évêques ont décidé de placer cette célébration au premier dimanche suivant le Temps pascal et les solennités de la Sainte Trinité, du Saint-Sacrement et du Sacré-Coeur... Cette année, le pape exhorte à prier et à réfléchir sur la formation des enfants et sur la formation des médias. Réfléchissons ainsi sur l'usage de la télécommande. Il y va parfois de la cohésion et de l'harmonie dans les familles et communautés.
Faire autorité
La télécommande est un bel instrument. On peut en faire le bien comme le mal. Dans votre main, cet objet vous met à l'aise, vous donne le sentiment de la puissance : vous pouvez vaincre la distance... A Kinshasa, vous pouvez ainsi passer sans peine d'une à l'autre de la quarantaine des chaînes de télévision. Mais le bel objet a déjà suscité de profonds malaises et des conflits inénarrables dans des familles voire des communautés religieuses. Maitriser la télécommande paraît ainsi comme la solution pour la paix sociale.
Dans la pratique, il se pose la question de l'autorité. Certaines familles ou communautés ont carrément supprimé l'usage de la télécommande. Ainsi, personne ne s'impose sur les autres. Car celui qui se lève pour appuyer sur un bouton du téléviseur y pensera d'abord par deux fois. Et les autres peuvent plus facilement approuver ou désapprouver son geste. Encore faut-il que les relations soient d'égalité entre les téléspectateurs.
Certains ont d'abord discuté de l'autorité à qui il reviendra de détenir la télécommande comme le marteau d'un président du Parlement. Le chef de famille, le supérieur ou la supérieure de la communauté religieuse gardera le précieux petit instrument et choisira de hausser ou de baisser le volume. Et de changer de stations. Beaucoup n'ont pas de peines à ce sujet, puisque le choix des stations et des heures a déjà été fixé lors de négociations implicites ou explicites. A 19H00 ou à 20H00, par exemple, on suivra le journal télévisé de telle ou telle station. Entre le repas du soir et l'heure de la prière des complies ou de l'étude, la préparation des cours du lendemain, les communautés religieuses suivent souvent, invariablement, le même programme coulé dans l'horaire et les coutumes de la maison, selon des critères quasi invariables.
Mais comment faire lorsque les goûts et les couleurs, les sensibilités politiques, par exemple, s'entrechoquent ? Il semble bien que l'autorité familiale ne peut pas toujours trancher, puisqu'elle est de plus en plus elle-même remise en cause au nom de la liberté légitime. Et de la démocratie, qu'elle soit bien ou mal comprise.
Un match ou l'autre
La difficulté est presque toujours aussi concrète que lorsqu'il s'agit, pour des amateurs du football, de choisir entre deux matchs retransmis en même temps sur différentes chaînes de télévision. Des familles riches peuvent s'acheter la paix au prix de deux ou trois postes de télévision, par exemple. Mais peu de familles s'offriraient un tel luxe, et les communautés religieuses qui le pourraient se l'interdisent qui considèrent les moments passés ensemble devant la télévision comme des occasions sacrées de vie communautaire. Comment, justement, garantir la vie commune sans sacrifier les goûts des uns ou des autres parmi les membres, et sans imposer une décision d'autorité, aussi légitime soit-elle ? Question difficile, à résoudre concrètement au cas par cas.
Le mercredi 2 mai 2007, par exemple, une communauté religieuse de Kinshasa a tenté une formule originale. Elle a disposé deux postes de télévision dans la même salle commune. Sur un écran, Nicolas Sarkozy affrontait Ségolène Royal dans le débat télévisé pour les élections présidentielles françaises. Avec l'expérience des élections congolaises et toute la passion soulevée à l'occasion, Sarkozy contre Royal, c'était à peu près comme Kabila contre Bemba, les deux challengers du second tour des élections présidentielles en RDC. On souhaitait tant vivre un débat pareil comme un vrai match de football. En différé.
Et il y avait, justement, sur le deuxième écran, le championnat de l'Union Européenne de Fooball : Milan AC malmenait Manchester U. Il y avait bien de l'émotion à l'écran.
On avait coupé le son du deuxième téléviseur. On pouvait bel et bien suivre les péripéties du match. Sur le premier écran, la confrontation était verbale : on en garda le son. On put suivre le duel : Ségolène et Sarkozy donnaient des coups et en prenaient. Et la relances des journalistes Arlette Chabot et Patrick Poivre d'Arvor correspondaient bien au rôle des arbitres sur l'autre écran. Les uns et les autres travaillaient à maîtriser la violence, l'agressivité, la tension.
Ce soir-là, dans la communauté religieuse, la tension fut maîtrisée entre ceux qui ne regardent la télévision que pour le sport, la musique et les télé-dramatiques et ceux qui ne ratent jamais les actualités et autres débats sociopolitiques. Nul besoin de télécommande. Tous les goûts étaient servis. Avec bonus : les uns et les autres pouvaient jeter un coup d'oeil et tendre l'oreille vers l'autre écran. En définitive, les résultats des deux duels furent connus de tous.
Voilà des adultes qui peuvent choisir et décider quand et comment satisfaire les goûts et les couleurs sans se disputer. Que faire pour les enfants, eux qui n'ont pas l'autorité des choix à opérer ?
Les enfants et les médias : savoir choisir
Le message du pape Benoît XVI pour la quarante et unième journée mondiale des communications sociales invite à réfléchir aussi bien sur la formation des enfants que sur celle des médias. Le pape envisage aussi bien la formation des enfants par les médias que la formation des enfants pour avoir une attitude appropriée face aux médias.
Dans notre pays, on ne déplore que trop la crise de l'éducation et de l'enseignement. Attendre une participation critique des enfants en particulier et de tous les consommateurs des médias en général demande peut paraître illusoire. Le niveau de l'enseignement a tellement baissé qu'on n'attend pas de voir se développer l'esprit critique. Il reste au moins que pour le pape, « la formation à une utilisation appropriée des médias est essentielle pour le développement moral, spirituel et culturel des enfants ».
Lors d'une journée de réflexion organisée aux Facultés catholiques de Kinshasa, le frère joséphite Fulgence Mungenga, professeur de communication, a révélé le résultat d'une enquête menée à Kinshasa : les chaînes de télévision de Kinshasa ne se préoccupent pas de proposer des programmes appropriés pour les enfants.
Et si l'urgent à faire dans un tel état restait la maîtrise de la télécommande dans la famille elle-même ? C'est aux parents à apprendre aux enfants à dominer la télécommande. Certains parents doivent, évidemment, commencer par réglementer les heures de l'utilisation de la télévision dans la famille. Les parents devraient apprendre aux enfants à regarder la télévision, à écouter la radio à des moments choisis, en harmonie avec d'autres activités comme la révision des matières scolaires, la détente, une réunion familiale, etc.
Les parents prendront aussi et surtout à coeur d'apprendre aux enfants à choisir entre les programmes. Toute la tâche de l'éducation est là, en matière de l'usage des médias comme du reste.
L'autorité parentale doit s'assumer alors dans son rôle de transmettre aux enfants les valeurs traditionnelles, les valeurs de la société. Des médias nous renseignent assez sur le fait, par exemple, que des enfants kinois attendent minuit, quand les parents dorment déjà, pour guetter des scènes de pornographie diffusées par certaines chaînes de télévision. Accusés, les responsables des médias rétorquent que seuls les adultes, libres de choisir, devraient être encore devant les écrans de télévision à des heures aussi tardives...
Comment apprendre aux enfants à choisir lorsque, par exemple, on prétend que le téléphone portable nous rend accessibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, comme si des moments d'intimité nous étaient désormais interdits, comme si l'on devrait répondre au téléphone lorsqu'on est sous la douche ou dans une église, en plein culte, ou simplement en réunion ?
Jean-Baptiste Malenge Kalunzu
18 juin 2007
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