Message de la seizième Assemblée plénière du SCEAM
MESSAGE DE LA 16ème ASSEMBLEE PLENIERE DU SYMPOSIUM DES
CONFERENCES EPISCOPALES D’AFRIQUE ET DE MADAGASCAR, (SCEAM)
Kinshasa, du 08 au 15 juillet 2013
INTRODUCTION
1. Nous, Cardinaux, Archevêques et Evêques, délégués des Conférences des
Evêques catholiques d’Afrique et de Madagascar, réunis à Kinshasa du 08 au 15
juillet 2013 pour notre 16ème Assemblée Plénière du Symposium des
Conférences Episcopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM), autour du
thème : « L’Eglise-Famille de Dieu en Afrique au service de la
Réconciliation, de la Justice et de la Paix », avons partagé dans la
prière, les joies et les peines, les souffrances et les espoirs des fidèles
chrétiens, et de toute la population de notre cher continent (Cf. GS n°1). Au
terme de cette Assemblée, nous adressons ce message de paix, d’espérance, de
foi et d’amour à toute l’Eglise-Famille de Dieu qui est en Afrique et aux
populations d’Afrique et d’ailleurs.
2. Nous saisissons cette même occasion pour remercier l’Eglise-Famille de Dieu
qui est en République Démocratique du Congo, en particulier, sa Conférence
Episcopale et l’Archidiocèse de Kinshasa ainsi que le Gouvernement de la
République Démocratique du Congo pour l’hospitalité et son appui logistique et
matériel. Nous sommes également reconnaissants envers les Associations et les partenaires
dont la collaboration et la solidarité nous ont beaucoup aidés.
3. Le choix de Kinshasa pour la tenue de cette Assemblée est pour nous
l’expression de notre solidarité pastorale et organique, le témoignage de notre
communion affective et effective avec le peuple de ce pays qui, depuis de
longues années, continue de subir les affres de la guerre. Notre solidarité et notre
communion vont également vers les peuples d’Afrique et des autres continents
qui traversent, eux aussi, à des degrés divers, des situations de crise et
d’instabilité : la République Centrafricaine, les pays de la Corne de
l’Afrique, le Mali, le Nigéria, le Sud-Soudan, Madagascar, la Tunisie et l’Egypte. Ces deux
derniers pays ont été le berceau du christianisme africain florissant pendant les
cinq (5) premiers siècles. Ils ont produit d’éminentes figures du Christianisme
comme Augustin, Cyprien, Félicité et Perpétue, Origène, Cyrille d’Alexandrie. Au
nom de notre foi commune avec ces anciens témoins du Christ ainsi que ceux
d’aujourd’hui comme les Martyrs de l’Ouganda, Joséphine Bakhita, Annuarite
Nengapeta, Isidore Bakanja, nous lançons à tous et à toutes cet appel de Notre
Seigneur Jésus-Christ : « Vous êtes tous frères ! » (Mt
23,8). « Arrêtez de faire la guerre, recherchons ce qui contribue à la
paix » (Cf. Rm 14, 19).
I. LA SITUATION ACTUELLE DE L’AFRIQUE
- L'Afrique est un continent riche de ses ressources humaines, spirituelles,
minières et énergétiques. Son taux de croissance économique est
aujourd’hui en nette évolution. Des initiatives sont prises çà et là pour
améliorer les conditions de vie des populations. Aussi des efforts
sont-ils fournis pour trouver des solutions concertées et pacifiques aux
différents conflits. En dépit de ce tableau plus ou moins prometteur, il
faudrait reconnaître que beaucoup reste à faire. En effet, les situations
de péché et de misère, présentes encore en Afrique, interpellent notre
conscience de pasteurs du troupeau à nous confié. Nous ne dirons jamais assez
que les ressources naturelles de nos pays doivent servir au bonheur de
tous et non à celui d’une minorité. Ces ressources qui, bien souvent, sont
le motif principal des conflits et guerres par procuration auxquels se
livrent les grandes puissances et les multinationales sur notre continent,
sont un don de Dieu qu’il faut fructifier tel que nous le recommande la
Parabole des talents (cf. Lc 19, 12-27).
5.
La famille constitue cette cellule de base qui forge les
citoyens appelés à gérer la chose politique et l’harmonie au sein de la
société. Des idéologies de tout genre, véhiculées par les mass media, risquent
de la dénaturer et la désorienter. C’est l’occasion pour nous de la replacer
dans son rôle fondamental. Ces situations appellent notre Eglise-Famille de
Dieu à réaffirmer et à renforcer son engagement au service de la
réconciliation, de la justice et de la paix dans notre continent.
II. NOTRE REPONSE A LA
LUMIERE DE LA FOI
6.
Cette année de la foi nous donne de vivre l’évangélisation en profondeur comme
une urgence. Dans notre contexte, ceci doit se réaliser par la formation
biblique, la catéchèse et une plus grande responsabilisation des agents
pastoraux.
Evangélisation en profondeur
7.
La formation biblique nous aide à découvrir la centralité
du Christ, « Verbe de Dieu fait chair » (Jn 1, 14) qui oriente notre
vie et nous mène à l’action. Nous convions les agents pastoraux, ces
authentiques serviteurs de la Parole de Dieu, de porter le message de
l’Evangile au cœur des hommes et des sociétés africaines, de manière à leur
permettre de rencontrer le Christ vivant et libérateur.
La conversion
8.
Les maux, dont souffre le continent africain, trouvent
leur source dans le cœur de l’homme marqué par le péché. D’où la nécessité de
nous convertir à la puissance du Christ qui Seul est capable de renouveler
toutes choses, surtout nos existences (Cf. Ap 21, 5). Fruit de l’évangélisation
et condition pour entrer dans le Royaume (Cf. Mc 1, 15), la conversion conduit
à renoncer aux tendances égoïstes et à aller à contre courant de tout ce qui
est contraire à l’Evangile pour nous tourner continuellement « vers le
Père, source de toute vraie vie, l’Unique capable de nous relever du mal, de
toute tentation et de nous maintenir dans son Esprit, au sein même du combat
contre les forces du mal » (Africae
Munus n°32).
9.
La conversion se vit de manière particulière dans le
sacrement de la réconciliation auquel une attention singulière sera accordée
pour en faire une véritable « école du cœur ». A cet effet, le SCEAM
entend célébrer « une Année de Réconciliation » au niveau continental
selon les recommandations des Pères synodaux (Africae Munus n°157).
Le Dialogue
10.
Le dialogue sous-tend toute action pour la paix. Il est
une forme de témoignage de l’amour de Dieu pour tous les croyants quelle que
soit leur confession chrétienne, leur religion ou leur idéologie. L’éducation à
l’écoute, au respect sans crainte de l’autre doit commencer dans la famille
pour s’étendre à tous les secteurs de la vie : dialogue entre nous-mêmes,
dialogue avec les autres. En somme, promouvoir le dialogue est, pour
l’Eglise-Famille, une manière d’être au service de la société dans toutes ses
composantes en vue d’une vie harmonieuse. Toutefois, ce dialogue doit se faire
dans la vérité, le respect des autres et la tolérance.
11.
Notre mission est aujourd’hui de proclamer l’Evangile, ce
message de vie et de libération qui nous renforce dans la conviction que
« notre destinée est encore entre nos mains. L’Afrique est en mouvement,
et l’Eglise qui lui procure la lumière de l’Evangile chemine avec elle. Tout ce
qu’elle demande, c’est de disposer de l’espace pour respirer et s’épanouir. Les
eaux ont beau être impétueuses, mais les yeux fixés sur le Seigneur Jésus, nous
parviendrons sains et saufs au port de la réconciliation de la justice et de la
paix » (Message de la Deuxième Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode
des Evêques, n°42).
IV. RESOLUTIONS ET
RECOMMANDATIONS
12.
En définitive, nous prenons les résolutions et faisons
les recommandations suivantes :
Résolutions
13.
Nous considérons les deux exhortations apostoliques
post-synodales, Ecclesia in Africa et
Africae munus, comme orientations essentielles pour
l’engagement de l’Eglise-Famille de Dieu dans notre continent.
14.
L’engagement à la réconciliation, à la justice et à la
paix concerne en premier lieu l’Eglise elle-même. C’est pourquoi nous nous
engageons à bannir en notre propre sein toute forme de discrimination, de
division et d’injustice.
15.
Face aux défis idéologiques et religieux de ce temps,
nous nous engageons à parler fort et à poser des actes clairement significatifs pour que
l’Eglise-Famille de Dieu se mette réellement au service de la réconciliation,
de la justice et de la paix dans tous
les pays d’Afrique.
16.
Nous nous engageons à déployer des efforts (en impliquant
les universités catholiques et les élites chrétiennes africaines) dans la
formation humaine, doctrinale et spirituelle des laïcs, femmes et hommes, afin
qu’ils prennent leurs responsabilités au plan familial, social, économique et
politique conformément à la doctrine sociale de l’Eglise.
17.
Nous réaffirmons
la dignité du mariage chrétien et de la famille, fondée sur les valeurs
évangéliques, capables de promouvoir la réconciliation, la justice et la paix.
18.
Nous nous engageons à accompagner les jeunes par une
formation intégrale qui facilitera leur insertion dans la société.
19.
Nous reconnaissons l’importance et le rôle des femmes dans l’œuvre d’évangélisation et
de réconciliation.
20.
Nous exhortons les responsables chrétiens à tous les
niveaux à ne pas céder à la tentation de s’accaparer du pouvoir et d’accumuler des richesses, mais à
avoir une saine relation au pouvoir et à l’argent comme moyens de lutte pour la
justice, pour la protection de l’environnement et le développement, dans une
conscience renouvelée et un cœur converti.
21.
Nous nous engageons à créer dans tous les diocèses les
commissions « Justice et Paix » là où elles n’existent pas encore et
à les renforcer là où elles existent en veillant à la formation de leurs
animateurs.
22. Nous nous engageons à « promouvoir une Année de la Réconciliation au
niveau continental » pour répondre à l’appel du Pape dans Africae Munus (cf. nº 157). Nous
confions au Comité permanent du SCEAM la charge de définir les modalités
pratiques de cette célébration.
23. Nous sommes convaincus que le projet de salut de Dieu a fait de l’Afrique
une terre de paix, de sécurité physique et alimentaire (Abraham, Jacob, Sainte
Famille) ; il se continue aujourd’hui à travers l’action évangélisatrice
de l’Eglise. C’est pourquoi nous décidons
la rédaction par le SCEAM d’un plan stratégique pastoral intégrant tous
les niveaux d’Eglise (CEB, CEV, paroisse, diocèse, conférence épiscopale
nationale, régionale et continentale) pour assurer l’application d’« Africae Munus » pour que
l’Eglise-Famille de Dieu en Afrique soit effectivement au service de la
réconciliation, de la justice et de la paix.
24. Nous voulons prendre l’exemple du Christ pour manifester la vérité dans
l’humilité, condition indispensable pour vivre, agir et rencontrer l’autre
d’égal à égal, dans un véritable dialogue.
25. Dans cet esprit, nous nous engageons dans un dialogue constant avec l’Islam
en tenant compte de nos valeurs culturelles et sociales (cf. Africae Munus n°94). Pour cela, il est
nécessaire de connaître sa propre foi et la religion de l’autre. Nous voulons également promouvoir l’œcuménisme,
le dialogue avec la Religion Traditionnelle Africaine et les nouveaux
mouvements religieux dans un esprit d’ouverture et de témoignage.
Recommandations
26. En renforçant leurs relations avec le Christ, nous invitons tous les
baptisés, hommes et femmes, à travailler de manière responsable au
développement de leur pays et à s’attaquer résolument aux structures des péchés
qui engendrent la misère.
27. Nous insistons pour que soient garantis les droits des enfants à la vie, à
la famille, à la nourriture, à la santé, à l’éducation et à la paix pour que
leur avenir et celui de la société soient assurés ;
28. Nous encourageons les fidèles laïcs à redynamiser leurs structures
d’apostolat au niveau diocésain, national et régional et plus tard à créer une
structure continentale.
CONCLUSION
- Notre séjour à Kinshasa a été un moment de collégialité, de communion
fraternelle et amicale qui a renforcé notre unité. C’est pourquoi, nous
remercions le président et les secrétaires sortants du SCEAM pour le
travail accompli durant leur mandat respectif. Nous saluons et félicitons
fraternellement le nouveau Comité exécutif pour les trois (3) années à
venir. Nous les assurons de nos prières ferventes et notre collaboration
active.
- Que Marie, Notre Dame de la Paix, Reine de l’Afrique ainsi que Saint
Joseph, son très époux, nous accompagnent dans la construction d’un monde
de paix et de justice.
Fait à Kinshasa, le 14 juillet 2013
Pour l’Assemblée plénière du SCEAM,
X Gabriel MBILINGI
Archevêque de Lubango
Président du SCEAM
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