Dans les bras de sa mère
Au cœur des jours et des nuits
Dans les bras de
sa mère
La jeune maman tentait de faire taire son bébé. Il pleurait.
Il faisait du bruit dans le taxi commun. Et les bonnes manières demandent que
l’on ne dérange pas les voisins. La jeune mère se gênait, certainement. Mais
comment faire taire un enfant surexcité sans le surexciter davantage ? Les
mamans le savent. Comme elles savent beaucoup d’autres gestes essentiels à la
vie que Dieu nous donne par elles. Les jeunes mamans l’apprennent, sans aller à
l’école.
Et qu’a fait la jeune mère dans le taxi commun ? Elle a
tiré un bonbon de son sac en main. Elle a enlevé l’enveloppe. Et à ma grande
surprise : la jeune mère a porté le bonbon dans sa bouche à elle. Elle
s’est mise à sucer. Et j’ai détourné mon regard littéralement dégoûté. Je me
suis dit : voilà, elle est si jeune, et elle s’est hâtée pour avoir un
bébé dont elle ne sait même pas s’occuper. Elle s’occupe d’abord d’elle-même
comme toutes les demoiselles de son âge : elles ne pensent qu’à
elles-mêmes. Egoïstes. Egocentriques.
Mais le temps que j’y pense, j’ai de nouveau porté mon
regard vers la jeune mère et son bébé. A ma grande surprise : la jeune
maman m’a désillusionné. Elle porta le bonbon dans la bouche du bébé. Le bébé se
mit à sucer goulument. Et le silence revint dans le taxi commun.
J’avoue que j’ai alors pensé à ma propre mère. Et au bébé
que j’ai été. Je n’ai pas de souvenir de ce passé lointain, mais j’ai aussitôt
ressenti comme une caresse de ma maman sur l’enfant que j’ai été et qui avait
besoin de sa mère.
La jeune femme et son bonbon m’ont rappelé une autre dame. Dans
une église en Asie, j’ai vu une jeune dame tenir par la main une fillette. La
dame est allée communier pendant la messe. Le prêtre avait déposé l’hostie sur
la main gauche de la femme. Et mes yeux n’ont pas cru ce que j’ai vu ensuite :
la maman a prélevé une miette de l’hostie et elle l’a déposée sur la langue de la
fillette. L’enfant n’avait pas l’âge de la première communion. Le prêtre a vu,
mais il n’a rien dit, rien fait. Et d’ailleurs, d’autres femmes ont fait de
même avec leurs enfants.
Je pense encore à la maman de l’église d’Asie. Si le corps
du Christ est si vital pour elle, comment pourrait-elle ne pas penser le
partager avec sa fillette ? Une mère qui mange quand ses enfants ont faim
n’existe nulle part dans le monde.
Je n’ai pas la chance de me mettre dans la peau d’une mère.
La femme du taxi et la femme de l’église m’ont fait penser à Jésus de Nazareth
et à sa mère Marie. J’ai vu dans la Basilique Saint Pierre de Rome la statue en
marbre dite la Pietà sculptée par l’artiste
Michelangelo au quinzième siècle. C’est Jésus de Nazareth qui est porté dans
les bras de sa mère Marie. Ce Jésus, cet homme célibataire, et qui meurt, dans
la trentaine, est remis dans les bras de sa tendre mère avant son enterrement.
Tendre mère aussi que celle qui a porté son fils de la
quarantaine d’années cloué sur un lit d’hôpital à Kinshasa. Depuis une dizaine
d’années, elle n’avait pas vu son fils. La mère était fâchée contre le fils et
le fils était fâché contre la mère. Les haines dans les familles sont les plus
coriaces, a dit récemment le pape François.
Sentant venir la mort, le fils demanda à voir sa mère. La
mère se présenta. Ce fut la réconciliation. Et le fils adressa à sa mère une dernière
demande précise : que sa mère le porte dans ses bras. Comme lorsque
j’étais ton bébé, dit-il. La mère éclata en sanglots. Son fils de quarante ans
avait tellement maigri. Il ne pesait plus. La vieille mère le prit dans ses
bras. Et il mourut.
Jean-Baptiste MALENGE Kalunzu
jbmalenge@gmail.com
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Merci de laisser votre commentaire ici.