L’avenir dans le passé d’autrui
Au
cœur des jours et des nuits
L’avenir dans le passé d’autrui
Notre
avenir n’est pas dans le passé des autres. J’ai prononcé gravement cette phrase
lors d’une conversation avec ma nièce vendeuse de pain. Je lui ai expliqué
lentement, avec des gestes qu’il faut. Elle a bien compris. Elle souriait, et
elle a donné un exemple. Elle a bien compris.
Elle m’a
dit : « Placer son avenir dans le passé des autres, c’est comme ces
filles qui achètent leurs sous-vêtements dans la friperie. Elles prétendent avancer
dans la modernité, elles ne voient pas qu’elles reculent dans le passé des
femmes blanches qui ont porté ces sous-vêtements. Et elles ignorent comment et
pourquoi ces vêtements sont arrivés jusque chez nous. Elles manquent de fierté
et de dignité. »
Ma nièce
comprend facilement ce que je cherche parfois difficilement à lui faire
comprendre. Elle m’a expliqué que la pratique était de plus en plus fréquente
alors même que des vêtements sur le marché et particulièrement la lingerie
féminine coûtent de moins en moins cher.
Ma nièce
elle-même, dans sa pauvreté, ne peut jamais se rabaisser jusqu’à porter les
saletés des autres, a-t-elle expliqué. « Je préfère mourir dans ma saleté
plutôt que dans la saleté d’une autre. Et cette autre femme qui a porté la
première ces sous-vêtements, je ne la connais même pas. Elle n’est pas de ma
famille, elle n’est même pas une amie ni une connaissance. Et si elle était
morte d’une maladie grave ! »
Ma nièce
se posait gravement la question, et elle me fixait du regard pour souligner
tout le sérieux de son propos. Ma nièce pouvait continuer à m’expliquer. Elle
m’a averti : « Vous serez un jour surpris. Il y a des femmes riches
et intellectuelles qui préfèrent de plus en plus ce genre de sous-vêtements.
Elles prétendent qu’ils durent plus longtemps que les sous-vêtements tout neufs
que vous achetez vous-même la première… » Durer plus longtemps, est-ce
vraiment un bon critère de qualité ?
J’ai dit
à ma nièce qu’en lui présentant mon propos, je pensais plutôt aux intellectuels
des pays africains. Sur n’importe quel sujet de leur vie, de notre vie sociale,
ils cherchent d’abord à savoir ce qu’en pensent les Occidentaux, ceux qu’ils
appellent la « communauté internationale ». Dans les universités, les
travaux de recherche consistent de plus en plus à aller copier sur internet les
réflexions des autres. Dans les médias, on répète ce que les autres ont dit
auparavant. Et chaque jour, du matin au soir, de prétendus spécialistes et
analystes nous démontrent ce qu’ils savent faire : répéter sans
discernement les idées d’autrui.
Ma nièce
vendeuse de pain a bien compris. Elle m’a dit : « Tes amis intellectuels
dont tu parles sont comme mon bébé. Je dois mâcher pour lui le pain. C’est
après seulement qu’il peut avaler. Tes amis sont des enfants tout-petits. »
Jean-Baptiste MALENGE Kalunzu
jbmalenge@gmail.com
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