Au coeur des jours et des nuits : Laid et méchant
Au cœur des jours et des nuits
Laid et méchant
Mon nouvel appareil de photo se déclenche
automatiquement lorsque l’objectif se trouve devant un sourire. Pour ainsi
dire, aucun sourire ne lui échappe. J’ai lu le nom du pays de fabrication de l’appareil,
mais je ne peux m’empêcher de penser à feue ma grand-mère maternelle. Je l’aurais
soupçonnée d’avoir inspiré le fabricant.
Dans ma petite enfance, ma grand-mère me disait souvent
que j’étais franchement beau, sauf lorsque je boudais ou que j’ouvrais la
bouche pour pleurer. Elle prétendait que je ressemblais alors à un animal
sauvage. Et ma grand-mère prétendait surtout que j’étais le plus beau de ses
amis lorsque je souriais. J’avais un beau sourire, j’étais beau, j’ai fini par
m’en convaincre. Et je n’ajouterais pas que j’ai toujours fait de mon mieux
pour garder le sourire. Quoi qu’il en soit dans ma vie. Par besoin de beauté
esthétique. Et pour le bon souvenir de ma grand-mère maternelle.
J’ai appris plus tard dans la vie que la beauté du
visage accompagne toujours la bonté du coeur. Je ne sais plus qui me l’a appris,
mais peu importe. L’essentiel est que je sois beau. Que je cultive la bonté
comme on cultive la beauté esthétique. La seule question est de savoir si c’est
la bonté du cœur qui donne la beauté au visage ou l’inverse. Ma grand-mère
aurait certainement répondu. Si tu veux garder longtemps la beauté de ton
visage, habitue ton cœur à la bonté, aurait-elle dit.
Une bouche finit par devenir moche, laide, si elle
s’est habituée à prononcer des méchancetés, des mensonges ou des insultes. Ma
grand-mère me parlait ainsi et me conseillait de ne jamais bouder contre mes
parents et de ne jamais insulter mes amis ni personne d’autre. Est-il vrai, oui
ou non, que des lèvres biendisantes finissent par donner un éclat et une beauté
au visage que même la vieillesse ne change pas beaucoup ? Ma grand-mère
maternelle elle-même, le petit garçon que j’étais la trouvait franchement belle
malgré son âge, pour tout vous avouer.
J’avoue n’avoir véritablement appris à distinguer la
beauté chez une vieille personne, que lorsque j’ai commencé à vieillir moi-même.
La beauté et la bonté vont toujours ensemble, je dois m’en convaincre de plus
en plus. Ceux qui sont méchants et qui ont besoin de séduire, d’attirer,
doivent se maquiller, s’efforcer d’être beau, c’est-à-dire forcer la nature. Mais
quelle beauté éphémère ! Mais la nature se venge toujours, un jour ou
l’autre. Ceux qui ont usé et abusé de produits cosmétiques à l’hydroquinone,
par exemple, finissent par payer un jour ou l’autre. Et le monde détourne son
regard devant eux. Personne n’aimerait les regarder.
Un cœur bon, qui persiste dans la bonté, restera beau
malgré l’âge. Même les difficultés, les souffrances qui font vieillir ne
changent rien à la beauté. Ma grand-mère ne me l’a pas expliqué ainsi. J’ai
fini par le comprendre moi-même au fil du temps. Et j’ai des exemples de
vieilles personnes fort sympathiques qui n’ont jamais perdu leur sourire ni
leur beauté, quoi qu’il en soit. Il suffit que ces personnes gardent leur cœur tendre,
généreux, doux et humble. Comme Jésus de Nazareth. Je suis doux et humble de cœur,
avait-il dit. Venez à moi, vous qui êtes fatigués.
Le sourire, c’est le miroir du cœur, comme chacun
sait. Un sourire plastique, celui de la jeune vendeuse et de la publicité ne
dure qu’un flash, qu’un instant, que quelques années. Voilà pourquoi les
appareils de photo modernes capteront instantanément le moindre moment où votre
cœur a donné le meilleur de vous-même, la bonté de votre coeur.
Jean-Baptiste
MALENGE Kalunzu
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Merci de laisser votre commentaire ici.