Au cœur des jours et des nuits : Prier pour le policier



Le policier de la circulation routière dit de roulage a arrêté la file de véhicules à sa gauche et à sa droite pour faire passer la religieuse qui avait apparemment quelques difficultés à traverser seule le boulevard du 30 juin à l’heure où les chauffeurs de taxis et de taxis-bus, notamment, ne demandent qu’à accélérer.

Et comme d’habitude, le policier n’a pas manqué de demander une faveur. Mais contrairement aux habitudes, le policier n’a pas demandé d’argent. Il n’a esquissé aucun de ces gestes connus qui laissent comprendre que l’agent de l’ordre a faim ou soif et qu’il fait appel à votre sens d’humanité pour lui venir en aide, à lui qui est abandonné, semble-t-il, comme un orphelin par les services publics.
Le policier a simplement demandé à la religieuse de prier pour lui. Et la religieuse a marqué quelque hésitation au beau milieu du boulevard. Elle n’a pas pu cacher sa surprise. Non, ses oreilles ne l’avaient pas trompée. Elle avait bien entendu. Le policier ne demandait que la prière.
La gentillesse du policier n’est sans doute pas extraordinaire, mais, d’habitude, un policier n’est jamais gentil pour rien. La prière n’est pas rien, bien sûr, mais les policiers, d’habitude, vous demandent autre chose qui est devenu comme un dieu pour les policiers et pour la majorité des Congolaises et des Congolais : l’argent.
Le policier du boulevard a demandé la prière le plus sérieusement du monde. Et que devrait donner une religieuse que personne d’autre n’est tenu de donner si chacun de nous ne doit donner que ce qu’il a ? De l’or et de l’argent, je n’en ai pas, aurait dit la religieuse, comme Pierre l’avait dit à l’estropié placé devant la porte du temple pour mendier (Actes des apôtres 3,6). Et la religieuse aurait dit la vérité. Elle n’avait sur elle que de quoi payer le prochain trajet en transport en commun.
La religieuse du boulevard m’a confié plus tard avoir longtemps réfléchi sur la demande du policier. C’est comme s’il m’avait prêché une retraite, m’a-t-elle avoué. La religieuse se rendait bien compte que ceux qui l’abordent depuis ses quelques bonnes années de vie consacrée, s’ils ne lui demandent pas d’argent, s’intéressent d’ordinaire à savoir si elle est enseignante ou infirmière et s’ils peuvent obtenir d’elle une recommandation. Même et surtout les membres de sa famille. Ils semblent d’ailleurs être les derniers du monde à savoir ce que signifie être religieuse.
Le policier du boulevard avait donc interpellé la religieuse dans ce qu’elle a et qu’elle peut donner de meilleur : la prière. N’est-elle pas censée prier tous les jours, matin, midi et soir et toujours ? Une religieuse n’est-elle pas censée intercéder pour le monde entier et surtout pour ceux et celles qui manquent le temps ou l’envie ou la volonté de prier ?
Dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, saint Paul écrit : « Frères, puisque vous avez tout en abondance, la foi, la Parole, la connaissance de Dieu, toute sorte d’empressement et l’amour qui vous vient de nous, qu’il y ait aussi abondance dans votre don généreux ! » (2Co 8,7)
Jean-Baptiste Malenge
jbmalenge@gmail.com

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