Au coeur des jours et des nuits : La faveur de la mendiante
1.
J’ai demandé à la mendiante une faveur. Je l’ai presque implorée. Qu’elle me dise pourquoi lui donner plus que les deux cents francs congolais que j’ai prévus comme aumône du jour.
La
mendiante passe ses journées devant des magasins pour tendre la main, vous
raccrocher pratiquement dès que vous sortez du magasin et que vous n’avez pas
complètement remis dans votre poche l’argent qui vous reste. La mendiante vous
prend sur le fait, pourrait-on dire. Vous ne pouvez pas échapper à son regard. Vous
ne pouvez pas lui mentir. Ou vous êtes gentil et vous lui remettez quelque
chose ou vous ne l’êtes pas du tout, mais personne ne devrait vous donner
mauvaise conscience. Vous avez vos raisons pour donner de l’argent de cette
façon-là à une personne qui semble avoir choisi la mendicité pour métier.
J’ai
donc tendu à la mendiante un beau billet de deux cents francs congolais, comme
je l’avais prévu de tout mon cœur. Mais la mendiante me demande d’ajouter. Et
elle est explicite : « J’irai donner à l’église, ce soir. » La
réponse m’a quelque peu choqué, je dois l’avouer. A l’église, on donne le fruit
de son travail. Et si je peux comprendre : la mendicité est un métier pour
certaines personnes.
Et j’ai
fixé la mendiante, les yeux dans les yeux. Mais je n’ai reçu aucune autre
réponse. J’ai donc insisté avec mon billet de deux cents francs, mais la
mendiante insistait aussi comme dans un marchandage, et je m’en suis allé,
regrettant sincèrement le fait que la dame affichant une bonne trentaine
d’années n’ait pas reçu la bonne éducation qui déconseille d’exiger lorsque
vous recevez un cadeau, un don gratuit. Un cheval gratuit, on ne compte pas ses
dents, conseille un adage de mon village.
J’ai
demandé plus tard au curé de ma paroisse si de nouvelles dispositions avaient
été prises et communiquées qui fixeraient le montant des offrandes que les
fidèles déposent en toute discrétion dans le panier de la quête. Mon curé m’a
sèchement répondu en m’invitant à ne jamais confondre notre Eglise avec
d’autres associations dites Eglises dont les chefs s’enrichissent sur le dos
des pratiquants.
Les chrétiens doivent bel et bien prendre en charge leur
Eglise, mais l’Eglise n’est pas un lieu de commerce, de trafic, a rappelé le
curé. Dans la Bible, Jésus est sévère contre les marchands du Temple (Jn
2,13-22).
Le
pape François l’a rappelé dans l’homélie de la messe célébrée dans la chapelle
sainte Marthe du Vatican le 9 novembre 2018. Que les églises ne deviennent pas
un marché, avec une liste de prix. Il faut du respect dans la maison de Dieu.
Le pape a dit :
«Cela nous fait penser à la façon dont nous nous occupons
de nos temples, de nos églises, si elles sont vraiment des maisons de Dieu, des
maisons de prière et de rencontre avec le Seigneur, si les prêtres favorisent
cela. Ou si elles ressemblent à des marchés. »
A l’assemblée de la
messe, le pape a encore dit : «Quelques fois, j’ai vu, non pas à Rome
mais autre part, j’ai vu une liste des prix. "Mais qu’est-ce que ça veut
dire, les sacrements se paient ? Non, mais c’est une offre". Mais si l’on
veut faire une offrande, qu’on la mette dans la boîte à offrandes, cachée, que
personne ne voie combien on donne. Aujourd’hui aussi il y a ce danger :
"Mais nous devons soutenir l’Église. Oui, oui, oui, vraiment". Que
les fidèles la soutiennent, mais dans la boîte à offrandes, pas une liste des
prix».
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