L’évêque et la fillette
Au cœur des jours et des nuits
L’évêque et la fillette
La fillette avait dit tout de go à son père qu’elle n’aimait pas
l’évêque. Son père la tenait par la main, et il ressentait la petite main de
l’enfant toute tremblante. En pleine matinée, elle ne faisait sans doute pas
l’une de ses fièvres de paludisme qui prennent les enfants le soir au coucher.
Ils rentraient de la messe du dimanche, et le papa était étonné et
presque scandalisé en pensant que l’enfant aurait dû au contraire s’émerveiller
d’avoir vu l’évêque de tout près pour la toute première fois de ses c ans. Et
c’est justement là que l’enfant avait ressenti quelque chose. Lorsque le papa
lui demanda pourquoi elle n’aimait pas l’évêque, l’enfant répondit que c’est
l’évêque qui avait commencé à ne pas l’aimer, elle. L’étonnement grandit dans
le cœur du parent jusqu’à l’inquiétude. L’enfant pouvait être très malade, en
train de délirer.
L’enfant dit que lorsque l’évêque avait répandu de l’eau sur tous
ceux qui étaient dans l’église, il l’avait exclue, elle. Je n’ai pas reçu une
goutte comme les autres, dit-elle. La fillette s’estimait donc discriminée. Son
père se demanda pendant un moment s’il fallait sourire ou s’il fallait
s’inquiéter.
Dans la journée, le papa s’arrangea en chrétien adulte pour
rencontrer l’évêque. Il sollicita d’emmener sa fillette. Lorsque le papa
raconta l’histoire de l’aspersion d’eau bénite, l’évêque sourit et fut ému devant
la foi de l’enfant. L’évêque invita le père et la fillette dans sa chapelle. L’évêque
porta sur sa soutane une chasuble et une étole, il bénit de l’eau, en aspergea
copieusement la fillette toute seule et posa la main longtemps sur sa petite
tête. Puis, dans son salon, l’évêque remit à l’enfant une médaille et des
images de Jésus, de Marie, de Joseph, d’Anuarite et de Bakanja.
La fillette raconta à la maison qu’elle était l’ami de l’évêque. Et
elle montra les images et la médaille. Son père témoigna que les cadeaux
venaient bel et bien de l’évêque. Les frères et sœurs ne crurent pas tous.
C’est plus tard et bien plus tard seulement que les incrédules l’acceptèrent.
L’évêque doit avoir béni cette fillette. Elle avait changé de comportement.
Elle a même dit à tout le monde qu’elle deviendrait évêque elle aussi. Et
puisqu’elle avait suscité le rire général, elle changea. Elle dit qu’elle
serait prêtre. Enfin, qu’elle serait religieuse.
Religieuse, elle l’est devenue plus tard. Elle vient de prononcer
ses vœux perpétuels. Mais elle a semé le trouble dans l’assemblée des fidèles
réunis : ses parents, ses amis, ses consoeurs et tous les invités. Pendant
la lecture de la formule des vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance,
devant sa supérieure, la religieuse a éclaté en sanglots. Très difficilement,
elle a lu la formule des vœux jusqu’à la fin. La religieuse suait de grosses
gouttes. Elle versait des larmes. Elle tremblait de tout son corps. Pour tout
vous dire, vous n’avez jamais assisté à une profession religieuse aussi
désagréable.
Après la messe, la religieuse avait encore les yeux tout rouges.
Son émotion avait donc été très profonde. Lorsque je l’ai embrassée pour la
féliciter, elle m’a glissé à l’oreille qu’au moment où elle se levait après la
litanie des saints, elle a eu tout à coup devant ses yeux l’évêque en personne.
Elle l’a revu dans la chapelle de l’évêché comme il y a plusieurs années.
L’évêque avait porté une chasuble et une étole, et il avait béni la petite
fille qu’elle avait été.
J’avais justement apporté à la religieuse la Bible et la croix,
cadeaux de l’évêque. Sous le regard de Dieu, ils sont restés des amis. L’évêque
et la fillette.
Jean-Baptiste
MALENGE Kalunzu
jbmalenge@gmail.com
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