Annoncer la bonne nouvelle des élections 2011
Les
élections se déroulent dans quelques semaines, dans quelques jours. Et en un
jour. Tout est mûr partout. Mais un fruit mûr, si on ne le cueille pas à temps,
il peut se dégrader, pourrir, et sa consommation peut nuire à la santé. Pourtant,
il semble bien que nous soyons, en ce 25 octobre, trop près des dates
fatidiques. La campagne électorale s’ouvre dans trois jours.
Le temps est ainsi bien mûr. Un peu
trop. Il est grave. Il s’agit d’une urgence. Dans la Bible, Jean-Baptiste a
harcelé ses contemporains pour leur rappeler de sortir du sommeil.
Jean-Baptiste l’a fait comme tant d’autres prophètes avant lui et après lui.
Comme Jésus lui-même, d’ailleurs. Dans l’Eglise, nous en sommes aujourd’hui à
prolonger pour notre temps ce ministère prophétique. Les opérateurs des
communications sociales devraient, autant sinon plus que les évêques, les
prêtres et les diacres, se sentir appelés à leur manière à sonner le réveil,
voire à tirer la sonnette d’alarme.
On peut, à juste titre, penser,
effectivement, qu’en période électorale, période de tous les enjeux et défis, il
y a danger des irruptions… volcaniques. Tous les désirs contenus se déchaînent.
Nous l’avons vécu en 2006, et nous allons le vivre maintenant encore. La
démocratie est au bout d’un tel passage, sans doute. Et il s’agit donc de
participer, de travailler à cet avènement.
Et à Kananga, les opérateurs des médias
catholiques réfléchissent sur les enjeux et les défis en ce temps, en cette
période électorale.
Je voudrais vous proposer ici ma lecture
des signes de ces temps. C’est une manière de lire les enjeux et les défis. Les
enjeux reviennent essentiellement au fait que chacun de nous est forcément
interpellé et impliqué dans la situation présente. Il s’agit d’exercer un
devoir civique, patriotique en mesurant sa citoyenneté. Il s’agit aussi de
penser que l’avenir de la société dépend du geste à poser, du comportement
public de chacun dans la journée du 28 novembre. Les défis consistent alors
dans les trois verbes : annoncer, dénoncer et renoncer.
Les enjeux et les défis valent pour tout
le monde, mais voici quelques particularisations pour les opérateurs des
médias. Le critère est donné par le code de déontologie des journalistes et, pour
nous, aussi par l’enseignement social de l’Eglise. En la matière, l’Eglise nous
donne le double critère de la dignité humaine et du bien commun.
1.
Pourquoi voter ?
Le nombre des enrôlés, en 2011, a
dépassé de quelque cinq millions celui de 2006. On peut discuter sur les
chiffres ici et là, mais voilà le constat global communiqué par la Commission
Electorale Nationale Indépendante (CENI). En majorité, semble-t-il, le Grand
Kasayi s’était abstenu, en effet, et vous voilà embarqués maintenant avec les
autres provinces. Selon les chiffres de la CENI, le Kasai occidental présentera
aux élections prochaines 2 661 245 électeurs, soit un nombre plus élevé que
celui du Kasai oriental, du Sud-Kivu, du Bas-Congo et du Maniema.
Il n’est donc pas impossible que certains
parmi les communicateurs catholiques de Kananga en soient à leur toute première
expérience ! Mais qu’ils n’en aient pas honte !
Mais on aimerait vivre la surprise
agréable survenue en Tunisie dimanche dernier. On craignait un faible taux de
participation, mais les électeurs se sont présentés à plus de nonante pour
cent. Ils ont vécu, là-bas, leurs toutes premières élections démocratiques depuis
l’indépendance du pays en 1956.
Au Cameroun, où le président Paul Biya
est au pouvoir depuis vingt-neuf ans, les élections présidentielles du 9
octobre se sont caractérisées par un faible taux de participation, selon la
presse. La Cour suprême a déclaré que le taux était de 65,82 %.
Qu’en sera-t-il chez nous ? Y
aura-t-il controverse autour du taux de participation ? Ce serait déjà un
indice malheureux. Qu’on se rappelle que selon la loi de notre pays, en 2006, personne
n’était obligé d’aller au vote. Comme en France, alors qu’en Belgique, le vote
est obligatoire !
Sauf au Kasayi, peut-être, en 2006,
beaucoup, dans la population rurale notamment, s’étaient fait enrôler et sont
allés voter pour éviter les tracasseries administratives. Les élections sont
passées. La carte d’électeur a bel et bien servi de carte d’identité. Mais qui
en a toujours eu besoin ? Et puis, il n’y a pas eu de contrôle policier
pour arrêter ceux qui n’auraient pas voté.
Alors, quel que soit son âge et sa force
physique, pourquoi se donner la peine d’aller voter, parfois sous la pluie, à
des kilomètres de distance ?
Ensuite, en 2006, la trentaine de
candidats à l’élection présidentielle et les milliers de candidats aux
législatives avaient fait miroiter tant de promesses non tenues et même
irréalisables : il n’est pas interdit aujourd’hui de se boucher les
oreilles à la campagne qui va s’ouvrir bientôt.
Vraisemblablement, on pourrait penser
qu’il n’y aura pas trop d’intérêt pour aller au vote cette fois-ci.
Voilà un enjeu pour la patrie. Un enjeu
pour l’Eglise aussi. Et pour les communicateurs catholiques. Les évêques en ont
pris la mesure. Lors de leur Assemblée plénière en juin dernier, ils ont tenu à
rappeler leur option pour l’éducation civique et électorale. Voilà pourquoi la
Commission épiscopale Justice et Paix a élaboré un programme ad hoc. Le
bulletin « Ensemble pour un Etat de droit » rapporte ainsi le
sentiment selon lequel « beaucoup de gens se découragent d’aller voter
parce qu’ils n’ont pas vu grand-chose venir depuis les dernières
élections ». A la question de savoir pourquoi voter, la Commission Justice
et Paix répond : « Il faut prendre les élections de 2011 au sérieux
car il s’agit d’un rendez-vous décisif pour la consolidation de la démocratie,
de la paix, de la bonne gouvernance, des droits humains et du développement.
Ces élections doivent représenter un progrès pour le Congo, les Congolaises et
les Congolais. Le but ultime de ces élections est donc de choisir des personnes
dignes, capables d’apporter des réponses aux grands défis qui sont lancés à la
Nation » (Ensemble pour un Etat de droit, n° 46, juillet 2011, p. 1).
Voilà présenté l’enjeu le plus important
aujourd’hui. Il s’agit pour l’Eglise et pour les communicateurs catholiques de
rappeler au peuple le but et l’importance des élections. Il s’agit ainsi
d’assurer ou de relayer l’éducation civique et électorale.
Le deuxième enjeu que je relève découle
du premier. Et si le communicateur catholique se range lui-même parmi les
sceptiques ou les déçus et les découragés ? La réponse ne doit pas être
qu’il est dispensé de son devoir civique. Mais son droit doit être respecté. Il
reste qu’il sera appelé, plus que quiconque, à s’interroger sur sa
participation au bien commun.
Ce deuxième enjeu signifie plus
simplement que le communicateur catholique comme sujet souverain peut aimer ou
ne pas aimer aller voter, qu’il a des sentiments. En l’occurrence, il a le
droit d’avoir une préférence pour tel ou tel parti politique, pour tel ou tel
candidat. Mais il ne profitera pas des médias pour battre campagne. Le Conseil
Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) veille ainsi à
éloigner des micros et des journaux, pendant la campagne électorale, tous les
journalistes qui sont eux-mêmes candidats et tous les chargés de communication
et autres porte-parole.
L’enjeu est donc celui-là : savoir
se distancier par rapport à ses sentiments pour servir de façon
« neutre ».
Les deux enjeux majeurs que je viens de
relever sont à expliciter dans la manière d’aborder les défis de la démocratie.
2. Annoncer la bonne
nouvelle des élections
Le premier défi est ainsi celui
d’annoncer la bonne nouvelle des élections. Il ne suffit pas de dire qu’aller
aux élections est une bonne chose. Encore faut-il expliquer en quoi et
pourquoi. Tout le travail de la Commission épiscopale Justice et Paix fournit
des éléments et du matériel pour cette tâche d’éducation civique et électorale.
Au niveau national, par exemple, la Commission épiscopale Justice et Paix s’est
associée avec la Commission épiscopale pour les communications sociales pour
produire notamment une série d’émissions de radiodiffusion mises à la
disposition des radios catholiques et communautaires.
Le communicateur catholique fera bien de
collaborer ainsi avec toutes les instances compétentes et toutes les sources
crédibles pour recueillir la bonne information. Les médias catholiques
donneront aussi la parole à ceux et celles qui apportent l’information, de
préférence, en ce temps de la campagne électorale, à ceux qui viennent se
présenter eux-mêmes et profiter de nos tribunes pour la propagande.
Plus que jamais, le journaliste
catholique sera professionnel en appliquant les règles de la profession. Il lui
faut ainsi rapporter les faits avant tout commentaire. Les faits sont sacrés,
le commentaire est libre, doit-il avoir appris. Le code de déontologie du
journaliste parle de la recherche de la vérité. Il faut se rompre à la tâche,
effectivement. La vérité se cherche. Elle n’est pas servie toute faite. Et ne
peut la trouver que celui qui travaille à la trouver. Dans la profession, la
différence réside là entre l’attaché de presse, le chargé de communication qui
vend sa « nouvelle » et le journaliste qui confronte les
« vérités » pour le plus grand bien du public.
Informer sur les détails de
l’organisation des élections, par exemple, sera un service à rendre pour la
formation du peuple. La semaine passée, le président de la Commission
Electorale Nationale Indépendante, le pasteur Ngoy Mulunda, a entretenu la
presse pour la rassurer : les élections auront bel et bien lieu le 28
novembre 2011. Et les journalistes ont posé des questions pour donner l’occasion
d’éclairer l’opinion. On s’est rendu compte que l’interview avait été organisée
pour combler un déficit de communication. Et les organisateurs avaient raison. La
rumeur, les interprétations erronées et les malentendus sont monnaie courante
dans notre société. Il faut éclairer l’opinion avec la bonne information.
Sur le sujet délicat de la revendication
de l’opposition pour l’audit du serveur central de la CENI, un certain
éclairage a pu être fourni. Et d’autres informations utiles. Ce sont des informations
qui ne peuvent venir que de la CENI et non des partis politiques qui ont le
droit d’exprimer leur opinion là-dessus mais sans inverser les rôles. Et
justement, le peuple doit apprendre grâce aux médias les différents rôles des
uns et des autres acteurs sociaux. Qui fait quoi dans une démocratie ?
Voilà une tâche de formation, d’annonce de la bonne nouvelle.
Annoncer, c’est apporter l’information
nécessaire, relater les faits. Le métier de journaliste est essentiellement
celui de la relation des faits avant les commentaires et autres humeurs… Les
médias congolais, en général, n’excellent pas dans cette distinction entre la
relation des faits et le commentaire. On dit que c’est le péché de toute la
Francophonie, contrairement aux Anglo-Saxons et à leurs « enfants »
du Commonwealth et du monde anglophone. On dit que R.F.I. et la BBC n’exercent
pas le même métier ! A vous de juger…
Le code de déontologie des journalistes
en RDC (comme partout ailleurs) rappelle les exigences : même si les
opinions, commentaires et critiques doivent être le fait de journalistes, il
faut, de toute façon ; viser la vérité, l’objectivité. La vérité est une
conquête plus qu’un acquis, rappelons-le. En période de compagne électorale,
convenez qu’il est difficile parfois de savoir qui dit la vérité et qui dit le
contraire. La relation des faits devient très sélective. Exemple : oui ou
non les cinq chantiers sont en marche ? C’est oui ou non, selon que celui
qui en parle est de la Majorité ou de l’Opposition. Mais au-delà de la Majorité
et de l’Opposition, quelqu’un peut-il dire comme saint Jean : « Ce
que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi soyez
en communion avec nous » (1 Jean 1,3) ?
Mais un journaliste catholique, quel que
soit son penchant, ne peut-il pas dire jusqu’où c’est oui et jusqu’où c’est
non ? Le Christ dit : que votre oui soit oui, que votre non soit non.
Le reste vient du diable.
L’annonce vise la vérité, la communion,
le bien commun. Et saint Jean ajoute que cette communion est avec le Père et
avec son fils Jésus-Christ. Nous sommes ainsi emmenés au niveau de la
spiritualité et de la conscience. Et la parole ou l’écrit qui sort de nous
touche ainsi à des valeurs qui demandent de ne pas transiger avec la
conscience. Au contraire, il nous faut dénoncer le mensonge.
3. Dénoncer le
mensonge
Avant, pendant et après les élections,
nous pouvons facilement nous rendre compte de la manière dont les uns et les
autres transigent avec leur conscience. Très instructive à ce sujet est la
facilité avec laquelle des acteurs et actrices politiques changent de points de
vue du jour au lendemain sur la même réalité. S’il faut les suivre pour
annoncer la vérité, on en arrivera à déclarer noir ce qui est blanc et
vice-versa dans le même rapport de temps et de lieu. Avant d’être immoral, ce
comportement est déjà illogique, et au nom de la Parole de Dieu, il convient de
le dénoncer en vue de préserver le bien commun et surtout de ménager les
faibles, les pauvres, les analphabètes et les enfants qui peuvent ainsi être
trompés. La tâche de la dénonciation est prophétique à ce point.
Invité par la presse à rassurer les
téléspectateurs sur la tenue des élections le 28 novembre prochain, après qu’il
avait donné tous les détails techniques, en ajoutant même une marge d’erreur
possible et des défaillances techniques en disant « si tout va
bien », le pasteur Ngoy a allégué sa bonne foi, et sa qualité de pasteur. Hélas,
devant le scepticisme de la population face aux gouvernants et à tous les
acteurs publics, c’est donc une question de foi aussi que celle de la
communication. Une radio catholique, un média catholique ne relèvent-t-ils pas
de cette dimension de crédit, de confiance ? Beaucoup iront donc de
préférence vers les médias catholiques dans l’espoir de bénéficier d’emblée du
coefficient de crédibilité.
Souvenez-vous qu’en 2006, une rumeur répandue
sur internet a attribué à Radio Vatican d’avoir publié des résultats donnant le
candidat Jean-Pierre Bemba vainqueur des élections. Il n’en a jamais été le
cas. Mais ceux qui ont orchestré la manipulation avaient exprès choisi la
« radio du pape » en raison, certainement, du crédit acquis d’avance.
Mais ces instigateurs confirmaient aussi, au-delà de cet incident, la place de Radio
Vatican pour dénoncer le mensonge.
Aujourd’hui encore, dans notre pays, des
milieux sont restés convaincus que la Conférence épiscopale détiendrait les
« vrais » résultats des élections présidentielles de 2006 et que
ceux-ci déclareraient vainqueur Jean-Pierre Bemba, au-delà du contentieux résolu
à la Cour suprême où le Mouvement de Libération du Congo n’avait pas pu fournir
des preuves de tricheries…
C’est qu’il y a la tricherie dans la
tête des Congolais et la possibilité de tricherie lors des élections. Les
opérateurs catholiques auront donc aussi cette tâche de la dénonciation. Mais
comme dit plus haut, il faut réunir des preuves. La diffamation, la calomnie
sont proscrites par la déontologie. Travailler à réunir des preuves signifie,
par exemple, s’organiser pour placer, dans les bureaux de vote, des témoins et
observateurs formés par les partis politiques ou la société civile. La
Conférence épiscopale a promis de former trente mille observateurs, mais le
nombre est bien insignifiant pour l’étendue du pays. Les médias catholiques
devraient suppléer en relayant les observations…
Le défi de la dénonciation est à
appliquer aussi en amont par la vigilance à ne pas brader le crédit de
l’Eglise. Le droit canonique interdit aux ecclésiastiques de se porter
candidats aux élections ou d’adhérer à un parti politique. La Conférence
épiscopale a rappelé aussi l’interdiction de donner la parole à des acteurs
politiques lors des célébrations liturgiques. Ces dispositions n’ont pas
toujours reçu une vulgarisation et une explication. Il convient de le faire maintenant
et de veiller à l’application afin de préserver non seulement le respect des
lieux sacrés mais aussi la conscience des uns et des autres dans un domaine où
les passions s’allument facilement et peuvent jeter le discrédit sur les
ministres de l’Eglise qui l’auraient autorisé. De tels ministres seront du jour
au lendemain étiquetés et pourraient s’aliéner une partie du peuple de Dieu.
Cette dénonciation demande du courage
dont on n’est pas toujours capable. Encore une fois, il faut invoquer la force
de l’Esprit. Avec une telle force, on peut aussi renoncer même à la
dénonciation.
4. Renoncer à la
dénonciation
Voilà un défi qui pourrait vous
surprendre. Ainsi formulé, il ne signifie pas du tout la lâcheté ou la
complicité passive avec le mal. Il s’agit, au contraire, de voir plus loin que
le mal immédiat.
La semaine dernière, le pasteur Ngoy
Mulunda a dit accéder à la demande de l’UDPS d’ « auditer » le
serveur central de la CENI. La loi ne le prescrit nulle part. La CENI aurait
même dû refuser cette immixtion dans ses prérogatives légales. Mais, après des
semaines et des mois de polémique, le pasteur annonce que l’UDPS et les partis
alliés de l’Oppositon vont accéder au serveur, même si la Majorité restée
indifférente n’a pas répondu au souhait de la CENI de ne faire cette concession
qu’en présence des deux parties. Pourquoi cette violation expresse de la
loi ? Le pasteur Mulunda déclare que c’est pour la paix. Lui qui s’est
fait champion de l’instauration de la paix, de la résolution des conflits, voilà
ce qu’il propose. Et cela est fait. Et, apparemment, personne ne crie à la
violation d’une quelconque loi. Le vice-président de la CENI, Ndjoli, venu du
Mouvement de Libération du Congo, parti de l’Opposition, a expliqué pour sa
part que cet audit n’était pas utile, mais que la CENI l’avait concédé pour la
paix. La CENI a toujours expliqué, en effet, que le vote sera manuel, que le
résultat viendra du comptage manuel des bureaux et non du serveur central qui a
servi seulement à dresser les listes électorales…Bref, pour avoir la paix, on
peut renoncer même à ses droits.
Un autre exemple nous vient du Cameroun.
Au Cameroun, les évêques ont appelé à ne pas descendre dans la rue après les
résultats de la présidentielle. Ceux qui suivent l’actualité savent pourtant
combien les évêques camerounais exigeaient la transparence dans la tenue des
élections.
Voici une dépêche de l’Agence France
Presse du jeudi 20 octobre :
Les évêques
camerounais ont invité jeudi les populations à ne pas descendre dans la rue
après la proclamation vendredi des résultats de la présidentielle du 9 octobre.
"Camerounais, camerounaises de toutes sphères sociales, ne descendez pas dans la rue. Restez sourds aux appels à la violence et au désordre qui vous sont lancés", ont écrit les évêques dans une déclaration lue par Mgr Joseph Atanga, président de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun (CENC). "Tout mot d'ordre de manifestation donné par des leaders de certains partis politiques est irresponsable", a-t-il ajouté, préconisant le respect du verdict des résultats de la présidentielle.
"Camerounais, camerounaises de toutes sphères sociales, ne descendez pas dans la rue. Restez sourds aux appels à la violence et au désordre qui vous sont lancés", ont écrit les évêques dans une déclaration lue par Mgr Joseph Atanga, président de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun (CENC). "Tout mot d'ordre de manifestation donné par des leaders de certains partis politiques est irresponsable", a-t-il ajouté, préconisant le respect du verdict des résultats de la présidentielle.
Or, un éditorial de l’Effort
camerounais, journal de la Conférence épiscopale du Cameroun, écrivait plutôt
ceci :
« EDITORIAL:
La valeur de la paix
J.B.P. Nlend
Les démagogues nous font croire que la paix n’a pas de prix. Le disant, ils affament et exploitent sereinement le peuple. On ne peut pas tout accepter, même au prix de la paix. La paix vaut un prix, et il appartient à tout le monde de le payer. Il revient d’abord aux autorités souveraines de l’Etat d’instaurer et de sauvegarder la paix dans une nation. »
Les démagogues nous font croire que la paix n’a pas de prix. Le disant, ils affament et exploitent sereinement le peuple. On ne peut pas tout accepter, même au prix de la paix. La paix vaut un prix, et il appartient à tout le monde de le payer. Il revient d’abord aux autorités souveraines de l’Etat d’instaurer et de sauvegarder la paix dans une nation. »
Voilà donc deux attitudes apparemment
contradictoires. Je devrais m’abstenir ici de faire un commentaire. Voici
plutôt deux textes de l’évangile à propos du figuier stérile :
Matthieu 21,18-19
18 Comme il rentrait en ville de bon matin, il
eut faim. 19 Voyant un figuier près du chemin, il s'en
approcha, mais n'y trouva rien que des feuilles. Il lui dit alors: "Jamais
plus tu ne porteras de fruit!" Et à l'instant même le figuier devint sec.
Luc 13,6-9
Il
disait encore la parabole que voici: "Un homme avait un figuier planté
dans sa vigne. Il vint y chercher des fruits et n'en trouva pas. 7 Il dit alors au vigneron: Voilà trois ans que
je viens chercher des fruits sur ce figuier, et je n'en trouve pas. Coupe-le;
pourquoi donc use-t-il la terre pour rien?
8 L'autre lui répondit: Maître, laisse-le cette
année encore, le temps que je creuse tout autour et que je mette du
fumier. 9 Peut-être donnera-t-il des fruits à
l'avenir... Sinon tu le couperas.
Voilà le même Jésus qui aurait deux
attitudes différentes selon saint Matthieu et selon saint Luc. Je m’abstiens de
chercher l’explication de l’apparente contradiction. Je vous laisse en discuter
entre vous. Il me suffit de vous rappeler que saint Luc est présenté comme
l’évangéliste du pardon.
Et le pardon nous est présenté, dans la
foi, comme la possibilité offerte pour l’avenir. Pourquoi ne pas penser que les
évêques du Cameroun pensent à l’avenir du pays au-delà des élections qui voient
le président Biya rempiler pour la énième fois ? Les évêques parlent de
paix, et l’éditorialiste semble révoquer la paix. Le développement est le
nouveau nom de la paix, rappelle-t-il dans l’article, en citant ainsi le pape
Paul VI. Justement, que nous dit l’enseignement social de l’Eglise ?
Il convient de répondre à cette question
en entrant ces jours-ci dans la période chaude de la campagne électorale.
Au-delà de la victoire ou de l’échec des uns et des autres, voulons-nous encore
un Congo ou voulons-nous l’Apocalypse ? La réponse est toute prête pour
beaucoup. Elle n’est pas nécessairement la même entre nous chrétiens.
Renoncer à la dénonciation ne signifie
pas lâcheté. C’est peut-être une entrée dans l’espérance. Dans le devoir
d’espérance. Une vertu théologale, avec la foi et la charité.
Dans l’existence personnelle ou
communautaire, il y a des moments où nous devons penser à l’espérance. Nous
devons, par exemple, croire que la vie ne finit pas avec la mort. Nous pouvons
ainsi penser que les élections qui arrivent ne seront pas la fin du Congo. Et
dans cette espérance, nous pouvons affronter avec plus de sérénité les moments
qui arrivent. Et nous pouvons d’autant annoncer la bonne nouvelle des
élections.
Le code de déontologie des journalistes
de la RDC, « adhérant à la déclaration de Munich », a introduit des
particularités propres à un pays qui a connu des rébellions et qui entend, en
toute responsabilité, sortir de la situation des conflits et prévenir toute
guerre. L’article 12 est ainsi stipulé qu’un bon journaliste doit
« promouvoir la culture nationale, la citoyenneté responsable et les
vertus républicains de tolérance, de pluralisme des opinions et de démocratie,
ainsi que les valeurs universelles de l’humanisme : paix, égalité, droits
de l’homme, progrès social. »
Terminons par vous inviter à relire
l’appel pressant de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) publié
le 8 septembre dernier. En voici le tout premier numéro : « Deux mois avant la tenue des
élections, certaines villes de la RDC, particulièrement la ville de Kinshasa,
viennent de connaître des actes de violence ayant conduit à la destruction des
infrastructures et à la mort d’homme. Nous, Cardinal, Archevêques et Evêques de
la République Démocratique du Congo, consternés par ces événements, saisissons
cette occasion pour lancer un appel pressant à la retenue. » (« Le sage domine sa colère » (Pr
29,11) Appel des évêques de la Cenco à la paix face aux violences en cette
période préélectorale.)
Conclusion
Permettez-moi de conclure. Au moment où
commence la période de la campagne électorale, le rôle des communicateurs
catholiques est délicat. Les uns et les autres candidats aux élections passeront,
ouvertement ou insidieusement, pour tenter de séduire voire de détruire les
adversaires. Il faut dire la vérité, établir ou rétablir les faits ; il
faut aussi exiger le respect des uns et des autres, au nom de la charité.
Concilier vérité et charité en vue de la paix, du bien commun. Il va sans dire
que pour s’acquitter d’un tel rôle, nous avons besoin d’une force plus grande
que nos simples sentiments et convictions et notre seule bonne volonté. Le
communicateur catholique, qui aura usé de tous les ressorts professionnels,
trouvera cette force de l’Esprit dans la prière.
Que Dieu vous bénisse.
Père Jean-Baptiste Malenge
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