Homélie pour Noël de Mgr Marcel Madila, archevêque de Kananga
Entrons un moment en profondeur dans la parabole de ces bergers qui nous symbolisent si bien. L’annonce qu’ils reçoivent ressemble au cri souriant que l’on entend spontanément dans les maternités les plus somptueuses du monde comme sous les chaumières les plus obscures, de la bouche de la sage – femme qui apporte à une famille la bonne nouvelle de la venue au monde d'un enfant vivant.
« Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une grande joie : « Aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Lc 2, 10 - 11)
Chers frères et sœurs dans la foi,
1. Cette annonce solennelle de l’Ange aux bergers « qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux » retentit en ce jour de Noël dans toutes les églises chrétiennes.
Entrons un moment en profondeur dans la parabole de ces bergers qui nous symbolisent si bien. L’annonce qu’ils reçoivent ressemble au cri souriant que l’on entend spontanément dans les maternités les plus somptueuses du monde comme sous les chaumières les plus obscures, de la bouche de la sage – femme qui apporte à une famille la bonne nouvelle de la venue au monde d’un enfant vivant.
2. Elle n’est peut - être plus accueillie, cette annonce, avec le même retentissement intérieur sous d’autres cieux où le nouveau-né en lui-même n’est plus forcément une bonne nouvelle ; où la vie, en général, ne ressemble plus à celle des pauvres bergers, obligés de « passer la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux » ; où les jolis sapins et les pères Noël chargés de cadeaux, les crèches luxueuses et les chants liturgiques mélodieux, les magasins bien achalandés et les gros repas de circonstance, les lumières éclatantes jusque dans les rues de la ville et les places publiques, bref, là où le mode de vie extérieur ne permet plus de bien entendre cette annonce profonde.
3. Tel n’est pas le cas chez nous pour la majeure partie de notre population, encore moins en ce moment où nous ressemblons pratiquement tous à des bergers traînant leurs troupeaux dans la nuit, c’est- à - dire, des hommes, des femmes, des jeunes et des enfants peinant dans des conditions sociales précaires à nouer les deux bouts du mois ; luttant comme dans un long tunnel noir dont le bout ne fait que s’éloigner à mesure que l’on croit s’en approcher.
Chez nous, ce Noël- ci, pour la plupart d’entre nous, pas d’arbres de Noël ni de crèches extraordinaires, pas de cadeaux particuliers ni de repas de fête, pas de jeux de lumière ni de décorations spectaculaires… Ce sera plutôt un Noël aussi simple que le Noël originel de Joseph et Marie, un Noël probablement perturbé par des interrogations perplexes dans le cœur de certains chrétiens, interrogations liées à la conjoncture politique que nous traversons.
4. Et pourtant, c’est peut- être précisément pour nous surtout que l’Ange annonce, comme aux bergers dans la nuit : « Ne craignez pas… je viens vous annoncer une grande joie : Aujourd’hui vous est né un sauveur ». Et au moment où avec les bergers nous redressons le visage et tendons l’oreille, pleins d’un espoir inattendu, les marques caractéristiques de ce sauveur qui nous sont présentées ne peuvent que nous déconcerter : « Vous trouverez un nouveau - né enveloppé de langes et couché dans une mangeoire de bêtes »! Quelle marque, quel signe distinctif pour un nouveau - né sauveur de son peuple ! Or, le signe de Dieu est là : c’est dans la banalité quotidienne, voire la pauvreté, que nous le rencontrons. N’espérons donc pas tout comprendre de Noël. Le salut n’est pas dans la force brutale ou le pouvoir qui écrase.
Faut-il y croire ou continuer, derrière son troupeau, à en attendre un meilleur ?
5. Curieusement, sans tergiverser les bergers se disent : « Allons jusqu’à Bethléem et voyons ce qui est arrivé et que le Seigneur nous a fait connaître ». Quelle confiance ! quelle espérance dans les vieilles promesses faites jadis par Yahvé à leurs lointains aïeux, dans la conviction que « l’espérance ne déçoit point » (Rm 5, 5).
6. Mais en quoi espéraient-ils, au juste, ces bergers ? En tout ce qu’enseigne la liturgie de la Parole de cette nuit sacrée, à savoir le changement radical des conditions de vie :
- « Le peuple qui marchait dans les ténèbres (comme les bergers la nuit dans les champs) a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre une lumière a resplendi….
- Le joug qui pesait sur eux, le bâton qui meurtrissait leurs épaules, le fouet du chef de corvée, tu les as brisés….
- Toutes les chaussures des soldats qui piétinaient bruyamment le sol, tous leurs manteaux couverts de sang, les voilà brûlés : le feu les a dévorés.
- Oui ! un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l’insigne du pouvoir est sur son épaule… Il sera solidement établi sur le droit et la justice … la paix sera sans fin… » (cfr Isaïe 9, 1 – 6).
Comment est-il possible de croire que ce petit enfant, né dans une étable, pourrait être celui qui va sauver le monde et mon pays ?
7. Chers frères et Sœurs, croire à de telles prophéties, y reposer son espérance, est- ce se bercer d’illusions, vivre dans un rêve éveillé, se chercher de fausses consolations dans la souffrance, projeter dans le monde à venir un bonheur que l’échec présent ne permet pas de saisir ? Ou bien, au contraire, est-ce se sentir pousser des ailes pour apporter sa pierre à la construction concrète de cette espérance ? Elle se construit, en effet, l’espérance, pierre par pierre, au fil des jours et des défis à affronter dans tous les domaines de la vie : individuelle, familiale, sociale, nationale, afin qu’elle se transforme en une réalité palpable aujourd’hui, même si elle reste ouverte à l’avenir de Dieu, car, disait quelqu’un, « l’avenir n’est à personne, sire, l’avenir est à Dieu ».
8. C’est dans ce sens d’une espérance agissante que Saint Pierre enjoignait ses chrétiens d’être toujours prêts à rendre raison de l’espérance qui est en eux (cf. 1P,3, 15), c’est-à-dire, par l’engagement quotidien et non par une projection illusoire dans l’au – delà.
9. C’est le sens de l’espérance que l’Enfant de Noël, en venant habiter parmi nous, vient incarner sous nos yeux, jusqu’à son dernier soupir sur la croix, suivi de sa victorieuse résurrection.
En effet, il ne s’est pas contenté de prêcher l’espérance aux hommes prostrés, il a voulu l’incarner pour eux lorsqu’il s’est approprié, au départ de son ministère public, ces paroles d’Isaïe : « L’Esprit du Seigneur repose sur moi, l’Esprit du Seigneur m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la délivrance et renvoyer en liberté les opprimés… » (Lc 4, 18…19), en ajoutant : « Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Ecriture » (Lc 4, 21).
Dès lors, « sortir de nos ténèbres et voir se lever une grande lumière dans nos vies précaires, briser le bâton qui meurtrit nos épaules et le fouet du chef de corvée, brûler les chaussures et les manteaux des soldats couverts du sang du petit peuple, instaurer un règne d’une paix fondée sur la justice et le droit, bref, « vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux, comme un peuple de Dieu, ardent à faire le bien », ainsi que l’écrit St Paul à Tite, dans la deuxième lecture de cette liturgie, tout cela devient possible à réaliser par nous, à partir et avec ce Divin Enfant couché dans une mangeoire d’animaux.
10. Célébrer Noël aujourd’hui en 2011 dans notre pays aux prises avec les remous dramatiques de nos élections présidentielles et législatives prend alors un sens, celui d’une espérance vivante qui nous met en mouvement comme, jadis, les bergers de la nuit dans les champs…
Voilà le sens dans lequel je vous souhaite à toutes et à tous, chers frères et sœurs dans la foi : « Joyeux Noël et Heureuse Année du Seigneur 2012 ! ». Amen!
+ Marcel Madila Basanguka
Archevêque de Kananga
Nativité du Seigneur 2011
Messe de la Nuit
Homélie de Mgr l’Archevêque Marcel Madila, archevêque de Kananga
« Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une grande joie : « Aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Lc 2, 10 - 11)
Chers frères et sœurs dans la foi,
1. Cette annonce solennelle de l’Ange aux bergers « qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux » retentit en ce jour de Noël dans toutes les églises chrétiennes.
Entrons un moment en profondeur dans la parabole de ces bergers qui nous symbolisent si bien. L’annonce qu’ils reçoivent ressemble au cri souriant que l’on entend spontanément dans les maternités les plus somptueuses du monde comme sous les chaumières les plus obscures, de la bouche de la sage – femme qui apporte à une famille la bonne nouvelle de la venue au monde d’un enfant vivant.
2. Elle n’est peut - être plus accueillie, cette annonce, avec le même retentissement intérieur sous d’autres cieux où le nouveau-né en lui-même n’est plus forcément une bonne nouvelle ; où la vie, en général, ne ressemble plus à celle des pauvres bergers, obligés de « passer la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux » ; où les jolis sapins et les pères Noël chargés de cadeaux, les crèches luxueuses et les chants liturgiques mélodieux, les magasins bien achalandés et les gros repas de circonstance, les lumières éclatantes jusque dans les rues de la ville et les places publiques, bref, là où le mode de vie extérieur ne permet plus de bien entendre cette annonce profonde.
3. Tel n’est pas le cas chez nous pour la majeure partie de notre population, encore moins en ce moment où nous ressemblons pratiquement tous à des bergers traînant leurs troupeaux dans la nuit, c’est- à - dire, des hommes, des femmes, des jeunes et des enfants peinant dans des conditions sociales précaires à nouer les deux bouts du mois ; luttant comme dans un long tunnel noir dont le bout ne fait que s’éloigner à mesure que l’on croit s’en approcher.
Chez nous, ce Noël- ci, pour la plupart d’entre nous, pas d’arbres de Noël ni de crèches extraordinaires, pas de cadeaux particuliers ni de repas de fête, pas de jeux de lumière ni de décorations spectaculaires… Ce sera plutôt un Noël aussi simple que le Noël originel de Joseph et Marie, un Noël probablement perturbé par des interrogations perplexes dans le cœur de certains chrétiens, interrogations liées à la conjoncture politique que nous traversons.
4. Et pourtant, c’est peut- être précisément pour nous surtout que l’Ange annonce, comme aux bergers dans la nuit : « Ne craignez pas… je viens vous annoncer une grande joie : Aujourd’hui vous est né un sauveur ». Et au moment où avec les bergers nous redressons le visage et tendons l’oreille, pleins d’un espoir inattendu, les marques caractéristiques de ce sauveur qui nous sont présentées ne peuvent que nous déconcerter : « Vous trouverez un nouveau - né enveloppé de langes et couché dans une mangeoire de bêtes »! Quelle marque, quel signe distinctif pour un nouveau - né sauveur de son peuple ! Or, le signe de Dieu est là : c’est dans la banalité quotidienne, voire la pauvreté, que nous le rencontrons. N’espérons donc pas tout comprendre de Noël. Le salut n’est pas dans la force brutale ou le pouvoir qui écrase.
Faut-il y croire ou continuer, derrière son troupeau, à en attendre un meilleur ?
5. Curieusement, sans tergiverser les bergers se disent : « Allons jusqu’à Bethléem et voyons ce qui est arrivé et que le Seigneur nous a fait connaître ». Quelle confiance ! quelle espérance dans les vieilles promesses faites jadis par Yahvé à leurs lointains aïeux, dans la conviction que « l’espérance ne déçoit point » (Rm 5, 5).
6. Mais en quoi espéraient-ils, au juste, ces bergers ? En tout ce qu’enseigne la liturgie de la Parole de cette nuit sacrée, à savoir le changement radical des conditions de vie :
- « Le peuple qui marchait dans les ténèbres (comme les bergers la nuit dans les champs) a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre une lumière a resplendi….
- Le joug qui pesait sur eux, le bâton qui meurtrissait leurs épaules, le fouet du chef de corvée, tu les as brisés….
- Toutes les chaussures des soldats qui piétinaient bruyamment le sol, tous leurs manteaux couverts de sang, les voilà brûlés : le feu les a dévorés.
- Oui ! un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l’insigne du pouvoir est sur son épaule… Il sera solidement établi sur le droit et la justice … la paix sera sans fin… » (cfr Isaïe 9, 1 – 6).
Comment est-il possible de croire que ce petit enfant, né dans une étable, pourrait être celui qui va sauver le monde et mon pays ?
7. Chers frères et Sœurs, croire à de telles prophéties, y reposer son espérance, est- ce se bercer d’illusions, vivre dans un rêve éveillé, se chercher de fausses consolations dans la souffrance, projeter dans le monde à venir un bonheur que l’échec présent ne permet pas de saisir ? Ou bien, au contraire, est-ce se sentir pousser des ailes pour apporter sa pierre à la construction concrète de cette espérance ? Elle se construit, en effet, l’espérance, pierre par pierre, au fil des jours et des défis à affronter dans tous les domaines de la vie : individuelle, familiale, sociale, nationale, afin qu’elle se transforme en une réalité palpable aujourd’hui, même si elle reste ouverte à l’avenir de Dieu, car, disait quelqu’un, « l’avenir n’est à personne, sire, l’avenir est à Dieu ».
8. C’est dans ce sens d’une espérance agissante que Saint Pierre enjoignait ses chrétiens d’être toujours prêts à rendre raison de l’espérance qui est en eux (cf. 1P,3, 15), c’est-à-dire, par l’engagement quotidien et non par une projection illusoire dans l’au – delà.
9. C’est le sens de l’espérance que l’Enfant de Noël, en venant habiter parmi nous, vient incarner sous nos yeux, jusqu’à son dernier soupir sur la croix, suivi de sa victorieuse résurrection.
En effet, il ne s’est pas contenté de prêcher l’espérance aux hommes prostrés, il a voulu l’incarner pour eux lorsqu’il s’est approprié, au départ de son ministère public, ces paroles d’Isaïe : « L’Esprit du Seigneur repose sur moi, l’Esprit du Seigneur m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la délivrance et renvoyer en liberté les opprimés… » (Lc 4, 18…19), en ajoutant : « Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Ecriture » (Lc 4, 21).
Dès lors, « sortir de nos ténèbres et voir se lever une grande lumière dans nos vies précaires, briser le bâton qui meurtrit nos épaules et le fouet du chef de corvée, brûler les chaussures et les manteaux des soldats couverts du sang du petit peuple, instaurer un règne d’une paix fondée sur la justice et le droit, bref, « vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux, comme un peuple de Dieu, ardent à faire le bien », ainsi que l’écrit St Paul à Tite, dans la deuxième lecture de cette liturgie, tout cela devient possible à réaliser par nous, à partir et avec ce Divin Enfant couché dans une mangeoire d’animaux.
10. Célébrer Noël aujourd’hui en 2011 dans notre pays aux prises avec les remous dramatiques de nos élections présidentielles et législatives prend alors un sens, celui d’une espérance vivante qui nous met en mouvement comme, jadis, les bergers de la nuit dans les champs…
Voilà le sens dans lequel je vous souhaite à toutes et à tous, chers frères et sœurs dans la foi : « Joyeux Noël et Heureuse Année du Seigneur 2012 ! ». Amen!
+ Marcel Madila Basanguka
Archevêque de Kananga
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