Publication : l'Afrique se sauvera par la communication, affirme le journaliste congolais Jean-Baptiste Malenge Kalunzu
« Philosophie africaine, philosophie de la communication »*, tel est le titre d'un volumineux ouvrage paru aux Éditions Baobab de Kinshasa. De passage à Rome, notre correspondant a rencontré son auteur.
On le savait passionné de médias, mais peu à l'aise dans la peau de philosophe. Il est vrai que Jean-Baptiste Malenge Kalunzu peut revêtir toutes les vestes pourvu que ce soit pour engager un combat pour l'Afrique. Prêtre, enseignant, auteur de nombreux essais et journaliste, cet intellectuel de 52 ans est aussi le correspondant de Radio Vatican à Kinshasa depuis 1990. À ces titres multiples, il a observé la société congolaise, décrit les soubresauts d'une Afrique centrale agitée par les ondes de choc de la chute du Mur de Berlin. Il n'en tire pas un traité ni une chronique des événements, mais plutôt... une réponse aux philosophes. « Depuis [Placide] Tempels, on se demande si la philosophie africaine existe vraiment. J'ai la prétention de désenliser ce débat ». On voit d'ici le gigantisme de la prétention.
Dans le titre de son ouvrage, tous les mots pourtant comptent : philosophie, Afrique, communication... Ce triptyque accepte-t-il une hiérarchisation ou bien la communication n'y est-elle que l'outil docile d'une pensée africaine qui peut voler dans les directions qu'elle veut ? Non, répond-il, soudain véhément. Pendant cinquante ans, il y a eu négation de l'être africain. Négation par l'Occident qui n'a fait place à l'homme africain que gêné ou contraint par des événements plus ou moins arrangés. « Je prétends qu'on ne guérira de cette relation malade que par la communication », affirme-t-il. C'est par elle que viendra l'assainissement d'une relation traumatisée.
Dans le même temps, passer cinquante ans à courir après une reconnaissance, n'est-ce pas perpétuerle complexe et donc, en définitive, perdre son temps ? On se souvient de la polémique suscitée parWole Soyinka, le Nigérian, sur le combat des pères de la négritude auxquels le désormais prix Nobel de littérature reprochait de passer leur temps à décrire le combat et non à préparer les phases de l'engagement au concret (« le tigre ne crie pas sa tigritude, il sort ses griffes et attaque »). N'est-ce pas s'inscrire chez les éternels frustrés que de crier une reconnaissance qui ne viendra pas de la puissance des seules cordes vocales ?
Jean-Baptiste Malenge Kalunzu balaye de tels arguments d'un revers de main. « C'était peut-être une perte de temps dans le passé, mais aujourd'hui, grâce aux moyens de communication justement, lemonde est devenu effectivement un village planétaire. Les moyens de communication sont désormais à portée de tous. De qui l'Afrique attendra-t-elle qu'ils se remplissent y compris de ses propres tam-tams ? La communication aujourd'hui est pour la paix et la réconciliation. L'Africain doit vivreréconcilié avec lui-même et avec l'autre pour exorciser un passé de violence. La fibre optique arrive partout, la colonisation est-elle toujours si vivace que nous ne puissions créer nos sites, nos réseaux internet, nos web-radio ? Que chacun s'assume : les outils sont là et ils sont à la disposition de tous ! »
Mais fallait-il, pour le dire et en convaincre la société africaine, recourir aux philosophes ? L'auteur est tout aussi volubile ; il renvoie d'abord à sa propre formation de philosophe, justement. Et puis, les trois penseurs africains auxquels il se réfère abondamment dans son ouvrage - le Congolais Ka Mana, le Canado-Burundais Melchior Mbonimpa et le Camerounais Fabien Eboussi Boulaga - n'ont-ils pasen quelque sorte tracé les contours d'un chantier qui appelait aussi « l'immixtion » des journalistes et des communicateurs ? « L'Afrique doit s'assumer par la communication. Pour que d'autres disent une Afrique moins caricaturale, c'est aujourd'hui que l'Afrique doit se dire elle-même ».
Lucien Mpama
* Philosophie africaine, philosophie de la communication, J.B. Malenge Kalunzu, Éd. Baobab,544 pages.
Photo : Jean-Baptiste Malenge Kalunzu.
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