Message des évêques sur la situation sécuritaire
PEUPLE
CONGOLAIS, LÈVE-TOI ET SAUVE TA PATRIE
Fidélité
à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale de la RD Congo
(cf.
1Ma 14, 35)
Message du Comité permanent de la Conférence
Episcopale Nationale du Congo (CENCO) sur la situation sécuritaire dans notre pays
PRÉAMBULE
1.
Préoccupés par la montée
des violences dans l’Est de notre pays, violences qui ont culminé dans la prise
de la ville de Goma par les rebelles du « Mouvement du 23 Mars 2009 »
(M23), Nous, Cardinal, Archevêques et Evêques membres du Comité permanent de la
Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), nous sommes réunis du 3 au 5
décembre 2012 à Kinshasa en session extraordinaire pour examiner la situation
d’ensemble et ses conséquences.
CONSTATS
2. Dans nos différents
messages antérieurs, nous avons condamné le projet de balkanisation de la RD
Congo, l’exploitation illégale des ressources naturelles, la prolifération de
milices et groupes armés. Pour le même motif, nous avons organisé un triduum de prières dans tous nos diocèses
et une marche sur toute l’étendue de la RD Congo le 01 août 2012. Après notre
visite pastorale de solidarité à la population meurtrie dans le Nord et le
Sud-Kivu au mois de septembre 2012, en dépit de nos échanges avec le M23 en
présence de la population prise en otage à Rutshuru, la situation n’a fait qu’empirer.
3. La guerre
dans le Nord-Kivu a entraîné d’énormes dégâts. Il s’agit notamment de la dégradation
de la situation des droits de l’homme causée par le M23 et les groupes armés,
des meurtres à grande échelle, des viols, des enlèvements, d’enrôlement des mineurs
dans les rangs des groupes armés, des
détentions et taxations illégales, des actes de banditisme, de destruction et
du pillage du patrimoine national et des particuliers, des déplacements forcés
et massifs des populations contraintes à l’errance dans des conditions
infrahumaines. Et, la chute de la ville
de Goma a plongé tous les Congolais dans la consternation.
4. Aujourd’hui,
une partie de notre territoire échappe à notre gouvernement et se retrouve de
fait sous l’administration du M23 qui est soutenu par des pays étrangers,
notamment le Rwanda et l’Ouganda. Le rapport des experts des Nations Unies n’a
fait que le confirmer. A la base de cette situation, nous relevons la stratégie de balkanisation qui est en
cours d’exécution. Celle-ci obéit à
la même dynamique depuis des décennies : revendications d’ordre
identitaire ou foncier, refus de l’ordre institutionnel, exploitation illégale
des ressources naturelles, déplacement forcé des populations, recours à la
violence dans la perspective de l’émiettement de la RD Congo.
5. Par
ailleurs, nous notons au sein de la population, des frustrations dues à une
gouvernance qui ne répond pas à ses attentes. Nos appartenances ethniques sont
exploitées sciemment par quelques compatriotes pour leur positionnement politique. Certains « accords
de paix » passés avec des groupes armés, sans concertation préalable,
compromettent la souveraineté et l’intégrité de la RD Congo.
DÉSAPPROBATION
6. Voilà
pourquoi, nous désapprouvons et condamnons fermement ce qui vient d’être
fustigé. Car cela est à la base de la
souffrance du peuple, du retard de développement de tout le pays et du
recul de son processus de démocratisation. Il est d’autant inadmissible que tout
cela soit l’œuvre de compatriotes congolais qui se font manipuler servilement
pour des intérêts étrangers. Ils font fi des institutions légitimes de la
République et brisent la cohésion nationale à laquelle nous aspirons après tant
d’années de tribulations et d’incertitudes.
7. Dans le
même temps, nous désapprouvons le recours aux armes comme voie de solution aux
problèmes qui se posent dans notre communauté nationale. Les atrocités et les
conséquences fâcheuses des expériences passées des guerres récurrentes prouvent
les limites de cette voie. La manière de faire de M23 ne sert donc pas ses
prétentions. Aux responsables de ce Mouvement des rebelles et leurs parrains
d’en tirer les conclusions et d’en assumer les conséquences. Leurs actes
criminels ne resteront pas impunis.
INVITATION
À RENFORCER L’UNITÉ NATIONALE
8. Nous réaffirmons
la souveraineté de la RD Congo et l’intangibilité de ses frontières ; nous
tenons fermement à l’unité et à l’indivisibilité de la RD Congo dans ses
frontières issues de la colonisation et reconnues par la communauté
internationale le 30 juin 1960. L’intégrité du territoire de la RD Congo n’est
pas négociable[1].
9. Fidèles
à notre charge de pasteurs, appelés par le Seigneur Jésus Christ à œuvrer pour
l’unité du genre humain dans notre pays, nous invitons instamment toute la population
congolaise à l’unité nationale. Toute recherche de solution aux
problèmes à l’intérieur de notre nation doit s’inscrire dans la perspective de
l’unité à sauvegarder et à promouvoir en faveur de toute la population, sans
privilégier aucun groupe au détriment des autres. La réconciliation nationale
est à ce prix.
10. Compte
tenu de la situation créée par ces dernières violences dont quelques
conséquences ci-haut décriées, nous formulons les recommandations
suivantes :
RECOMMANDATIONS
Appel à un
sursaut patriotique
11. Frères et sœurs Congolais, nous vous
appelons tous à un sursaut patriotique. La
fidélité à l’unité nationale et la sauvegarde de l’intégrité territoriale de la
RD Congo constituent des devoirs sacrés pour tout Congolais. La diversité
de nos ethnies est une richesse. Frères et sœurs, nous vous invitons à la
vigilance afin que personne, même les élus de votre ethnie, n’instrumentalise
votre identité pour vous opposer les uns aux autres en vue des objectifs
inavoués. Ce n’est que dans l’unité, la conversion des cœurs et la
réconciliation que nous pouvons faire avancer notre pays sur tous les plans.
Responsabilité
de nos gouvernants et la classe politique
12.
L’état actuel de la nation congolaise doit
vous interpeller, vous nos gouvernants.
Il vous incombe en premier de garantir
la sécurité de la population et l’intégrité du territoire national. C’est
en prenant en charge les aspirations légitimes de la population à la paix interne
et externe, à la dignité et au développement que vous consoliderez l’unité
nationale. A cet effet, ayez à cœur le rôle de leadership historique et
visionnaire que vous devriez jouer, en concevant et en présentant une voie de
sortie de crise aux partenaires et interlocuteurs tant nationaux
qu’internationaux. Il est urgent de promouvoir la bonne gouvernance et de former une Armée
républicaine, dissuasive, capable de défendre la sécurité des Congolais et
l’intégrité de leur territoire face aux menaces et à toutes les velléités des
groupes armés[2].
13.
A toute la classe politique congolaise, nous
vous rappelons que la nation est en danger. Vous n’avez pas le droit de passer
le temps à vous quereller autour des intérêts égoïstes. Il
est très déplorable que certains d’entre vous, privilégiant leurs intérêts, se
font complices avec les désintégrateurs de notre unité nationale. La défense de
l’unité nationale et de l’intégrité territoriale vous imposent de mobiliser et de
rassembler tous vos efforts afin de faire échec à tout projet de balkanisation
de notre pays. Les idéaux chers aux pionniers[3]
de l’indépendance de la RD Congo, à savoir l’indépendance, l’unité, la prospérité, la paix, la grandeur
de la Nation doivent être respectés et promus par vous. Ce sont ces
idéaux qui constituent notre fierté et le socle de notre unité nationale. Ils doivent
demeurer constamment l’horizon vers lequel convergent tous les efforts
d’édification de la nation congolaise, grâce à des débats politiques et
démocratiques sereins. C’est le moment de faire un front commun face
au danger d’émiettement et d’asservissement de notre pays qui met en péril son existence
même et celle de la nation.
En vue des
prochaines négociations
14.
Les
prétentions des Congolais de n’importe quel groupe qui s’estime lésé doivent
être traitées selon le droit et dans le respect de la Constitution de la RD
Congo. Il y a lieu de s’interroger sur la valeur juridique des accords du 23
mars 2009 et sur la pertinence de la tenue de la rencontre à Kampala.
15.
Aussi, attirons-nous l’attention de tous ceux qui se rendront à
Kampala sur les pièges de ces négociations. Qu’ils n’hypothèquent pas l’unité
de la nation congolaise, qu’ils n’avalisent pas des accords qui consacreraient
la balkanisation de la RD Congo. La vigilance et la clairvoyance doivent être
de mise. Il faudrait que les principes fondamentaux et patriotiques auxquels
personne ne doit déroger ainsi qu’un schéma directeur fixant le degré et la
nature des concessions possibles, acceptables et tolérables soient
scrupuleusement respectés. Un accord qui
hypothèquerait la souveraineté nationale est inacceptable.
A la communauté
internationale
16. Nous
reconnaissons tous les efforts déployés par la communauté internationale pour
la paix et la stabilité en RD Congo. Cependant, le peuple continue de
s’interroger : comment, malgré les promesses très fermes de la Monusco, le territoire de Rutshuru et la
ville de Goma n’ont pas été efficacement défendus ni la population civile intégralement
protégée ? Ne faudrait-il pas alors adapter le mandat de la Monusco à la
situation qui prévaut actuellement en RD Congo ? Le peuple congolais attend ardemment que
triomphe le principe du droit international et de la solidarité qui sont à la
base d’une paix mondiale.
CONCLUSION
17. Nous
faisons appel au gouvernement de notre pays, à toute personne de bonne volonté,
aux agences humanitaires et à la solidarité de la communauté internationale
pour apporter une aide humanitaire à la hauteur des souffrances injustement
imposées à de centaines de milliers des Congolais et Congolaises dans le
Nord-Kivu.
18. Chers
frères et sœurs, les difficultés, même
les plus graves, ne doivent pas nous jeter dans le désespoir et dans la
résignation. Confiants en Dieu, source de toute paix véritable et grâce à un
sursaut patriotique, « relevons nos têtes et dressons nos fronts ».
En vertu de notre mission prophétique, nous avons entrepris divers contacts
avec nos gouvernants, la classe politique de notre pays, certaines
représentations diplomatiques en RD Congo, la Monusco et d’autres organisations
internationales en vue d’une vraie paix dans notre pays.
19. Nous recommandons à la miséricorde de Dieu
les victimes de cette guerre. Nous exprimons notre proximité spirituelle à Son
Excellence Mgr Théophile Kaboy, évêque de Goma, et notre compassion à toute la
population du Nord-Kivu. Nous continuons à prier pour que le Seigneur ouvre à
la paix du Christ les cœurs de ceux qui font la guerre. Que la Très Sainte Vierge
Marie, Notre Dame du Congo et Reine de la paix, obtienne à notre pays et à tous
ses habitants, la grâce de l’unité et de la paix.
Fait à Kinshasa, le 05
décembre 2012
[1] Cf. CENCO, Non à la balkanisation. Communiqué sur la situation de guerre dans
le pays, 06 juillet 2012.
[2] Cf. Notre rêve d’un Congo plus beau qu’avant.
Message de la Conférence Episcopale Nationale du Congo au peuple congolais à l’occasion du
cinquantenaire de l’indépendance de la RD Congo
(24/06/2010), n.17.
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