Message de la Conférene épiscopale pour les 54 ans de l'Indépendance
PROTEGEONS
NOTRE NATION
Message
de la 51ème Assemblée Plénière des Evêques membres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo
(CENCO)
1. A l’ occasion du
54ème anniversaire de l’indépendance de notre pays la RD Congo,
Nous, Cardinal, Archevêques et Evêques, membres de la Conférence Episcopale
Nationale du Congo (CENCO), réunis en session ordinaire de l’Assemblée plénière
du 23 au 27 juin 2014 à Kinshasa, adressons un message de paix et d’espérance au
Peuple congolais. Cet anniversaire qui intervient au moment où le processus
électoral 2013-2016 est lancé, nous offre l’occasion de rappeler à tous, le
devoir sacré de protéger la Nation
et de sauvegarder la paix acquise au prix de mille sacrifices.
2. Protéger la Nation, c’est, comme l’ont
rêvé les pères de l’indépendance, travailler à bâtir un Congo plus beau qu’avant et assurer sa grandeur. La République
est un patrimoine qu’on ne peut se permettre de léguer de manière quelconque aux
générations futures[1].
A cet effet, nous saluons tous les efforts de reconstruction de notre pays
entrepris par le Gouvernement de la République, notamment, la maîtrise de
l’inflation, l’augmentation du taux de croissance, l’assainissement du climat
des affaires. Il en est de même de l’amélioration des infrastructures, en
particulier la construction des écoles, des routes et l’équipement des
hôpitaux. Le chemin est encore long et les efforts doivent être poursuivis pour
une effective amélioration des conditions de vie de la population congolaise.
3. Protéger la Nation, c’est travailler à ramener la paix dans le pays. A
ce sujet, nous observons une dynamique positive pour stabiliser le pays. Grâce
à la vaillance de nos Forces Armées et à l’appui de la Brigade d’intervention
de la MONUSCO, des progrès sont enregistrés dans la lutte contre les groupes
armés, mais beaucoup reste encore à faire pour garantir la sécurité des
personnes et de leurs biens sur toute l’étendue du territoire national. Nous rendons hommage à ceux qui ont versé
leur sang pour la patrie.
4. Protéger la Nation, c’est défendre et promouvoir les droits, la dignité
et le bien-être de tous les Congolais contre les maux qui détruisent l’homme
créé à l’image et à la ressemblance de Dieu[2]. C’est
pour cela que nous exprimons notre compassion à l’égard de nos compatriotes
expulsés du Congo Brazzaville. En même temps, nous disons notre indignation sur
la manière dont ces expulsions ont été conduites et sur les conditions
précaires de vie de ces compatriotes.
5. Protéger la Nation, c’est valoriser nos
ressources naturelles et ne pas les aliéner sans contrepartie équitable par
égoïsme ou dans le but d’accéder ou de conserver le pouvoir.
6. Protéger la Nation, c’est consolider la
démocratie par l’organisation des élections libres, crédibles et transparentes.
Nous savons que la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI)
s’emploie à relever ce grand défi et nous l’encourageons à sauvegarder son
indépendance et à demeurer dans l’impartialité, la transparence et le respect
des prérogatives à lui imparties par la Loi. En effet, c’est à travers les
élections que le Peuple congolais est appelé à exercer dans la liberté et avec
un discernement requis son droit de choisir ses gouvernants à tous les échelons
et ses représentants dans les Assemblées provinciales et dans les deux chambres
du Parlement. De ce fait, nous désapprouvons tout mode de scrutin qui priverait
le souverain primaire de son droit de désigner ses gouvernants et de participer
directement à la gestion de la cité. Comme nous l’avons dit dans notre Communiqué
de presse à l’issue de notre Comité permanent de février 2014, nous soutenons les élections des députés
provinciaux et même des maires et des bourgmestres par mode de scrutin direct[3].
7. Protéger la Nation, c’est respecter la Loi
fondamentale qui constitue le socle de la nation. C’est pourquoi, nous ne nous
lasserons pas de rappeler au peuple congolais et à nos gouvernants la position de
la CENCO contenue dans le Mémorandum adressé au Chef de l’Etat au sujet de la non
modification de la Constitution, en particulier en ses articles verrouillés qui
échappent à toute révision[4]. Tel
est le cas de l’article 220 qui stipule : « La forme républicaine de
l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du
Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République,
l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical ne
peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle ». Nous désapprouvons également toute sorte d’initiative
qui, sans modifier directement l’Article 220, viserait à le vider de son
contenu essentiel.
8. Il est important
que les acteurs politiques ainsi que toute la population congolaise comprennent
l’enjeu majeur de cette disposition constitutionnelle, fruit d’un large consensus, pour assurer la stabilité du pays.
Cette disposition constitutionnelle traduit et
protège les options fondamentales relatives : à la nature de l’Etat congolais qui est une République et non une Monarchie ;
à la forme de l’Etat Congolais ; à la
nature de la démocratie congolaise qui demeure une démocratie représentative et
fondée sur le suffrage universel ; à la nature du pouvoir politique en RD
Congo[5].
Ce pouvoir ne peut être ni personnalisé, ni absolu et non redevable devant
personne c’est-à-dire autocratique et dictatorial.
Ces
options fondamentales sont également relatives : au pluralisme politique et à l’alternance démocratique au pouvoir
garantie par l’irréductibilité des droits et libertés de la personne humaine
ainsi que la limitation de la durée du mandat présidentiel à 5 ans renouvelable
une seule fois ; à l’indépendance de la justice, condition sine qua
non de l’instauration de l’Etat de droit et de la lutte contre l’impunité[6].
9. Comme l’affirme
l’exposé des motifs de la Constitution elle-même, ces options fondamentales sont le produit de
l’histoire de la RD Congo et des expériences politiques malheureuses de la 1ère
et de la 2ème Républiques. Elles ont pour finalité non seulement de
mettre fin à la crise de légitimité des institutions et de leurs animateurs
ainsi qu’aux guerres civiles qui ont jalonné le parcours de la RD Congo depuis
son indépendance, le 30 juin 1960, mais aussi de donner au pays toutes les chances de se reconstruire sur des bases
nouvelles et solides.
10. Faut-il le
rappeler, ces options sont par ailleurs la somme des acquis inaliénables de la
lutte par étapes successives du Peuple congolais pour l’indépendance, la
liberté et, de manière générale, la démocratie.
11. Pour toutes ces raisons, le Constituant les
a rendus intangibles à l’article 220 afin de les « préserver contre les
aléas de la vie politique et les révisions intempestives »[7].
Dès lors, chercher à violer ces dispositions, serait un dangereux précèdent sur
le long chemin de la paix, de la cohésion nationale et une voie ouverte au
règne de l’arbitraire.
12. Considérant les
responsabilités qui sont les nôtres dans cette société, nous lançons un appel
pressant à toute la classe politique pour ne pas remettre en cause ce compromis
fondateur de l’Etat congolais actuel. Le
Peuple congolais ne doit pas être pris en otage par des pratiques politiciennes
qui sacrifient l’intérêt supérieur de la Nation. Pour un avenir meilleur de la Nation, l’Eglise catholique utilisera des
moyens appropriés pour sensibiliser la population sur l’importance capitale de
cet article verrouillé et défendra les options fondamentales qui sauvegardent
notre jeune démocratie et la stabilité
du pays.
13. Pour un processus électoral apaisé et porteur
d’avenir meilleur, l’Assemblée Plénière de la CENCO invite les acteurs
politiques congolais et toutes les parties prenantes au processus électoral à
s’appliquer avant tout à la réalisation d’un consensus aussi large que possible.
14. Aussi pour
contribuer efficacement à la consolidation de la gouvernance démocratique et à
l’assainissement de l’environnement électoral en RD Congo, la CENCO
recommande :
1°
Au Gouvernement de la République
- De garantir aux
parties prenantes un environnement électoral serein et harmonieux ;
- De redoubler
d’efforts dans la mobilisation des ressources matérielles et financières afin
de garantir la tenue effective des élections dans le respect du délai
constitutionnel ;
2°
Au Parlement
- De s’abstenir de
voter des modifications constitutionnelles susceptibles de rompre un
vouloir-vivre collectif et des valeurs fondamentales acceptées par l’ensemble
du peuple ;
- De veiller en tant
qu’autorité budgétaire à la dotation par le gouvernement des moyens nécessaires
à une bonne organisation des scrutins électoraux ;
- D’élaborer des lois
nécessaires au processus électoral dont la loi portant répartition des sièges aux différentes élections des
organes délibérants ;
3°
Aux Partis politiques
- D’amener leurs
membres à s’imprégner et à respecter les lois essentielles au processus
électoral et de s’atteler à l’éducation civique et électorale de leurs
militants ;
- D’organiser, à
temps, l’observation par leurs témoins, des opérations pré-électorales,
électorales et post-électorales ;
- De promouvoir la
culture démocratique et le « leadership éthique » en privilégiant la
construction d’un ordre social juste et la gestion communautaire du
« bien-vivre-ensemble » ;
- De faire du débat
politique un débat d’idées et non un lieu d’attaques des personnes sur des
considérations ethniques ;
4°
A la CENI
- De s’acquitter avec
conscience et honorabilité de la mission qui lui a été confiée par la
République afin de mériter la confiance
du peuple ;
- De poursuivre le
dialogue avec toutes les parties prenantes pour garantir l’organisation en toute indépendance,
neutralité et impartialité, des scrutins libres, démocratiques, crédibles et
transparentes ;
- De respecter les
exigences du cycle électoral, les lois et réglementations essentielles au
processus électoral ;
5°
Aux Organisations de la Société civile
- De contribuer à la
vulgarisation des textes légaux, à l’éducation et à l’observation
électorales ;
- De mobiliser les
électeurs et les électrices congolais à chaque étape du processus électoral.
6°
A la Population congolaise
- De faire preuve de
vigilance pour s’opposer par tous les moyens légaux et pacifiques à toute
tentative de modification des articles verrouillés ;
- D’interpeller leurs
élus en leur demandant de dire leur claire option en ce qui concerne la
question constitutionnelle ;
- A nos fidèles
catholiques en particulier, de se rappeler que, comme « sel de la terre et lumière du monde »[8], ils
ont une grave responsabilité de participer activement au processus électoral et
de s’engager pour sa réussite ;
7°
Aux Partenaires de la RD Congo
De s’impliquer davantage
dans l’appui financier, la logistique et l’accompagnement du processus
électoral pour soutenir le Gouvernement congolais dans l’organisation des
élections libres, démocratiques et transparentes ;
8° Aux Ecclésiastiques en RD Congo
- D’accompagner la
population congolaise dans la réussite du processus électoral ;
- De ne faire
allégeance à aucun parti politique et, comme nous l’avons déjà dit, « de ne pas participer activement aux partis
politiques et associations à caractère politique, ainsi qu’à la direction des
institutions étatiques, quel qu’en soit le niveau, chargées d’organiser les
élections »[9].
Notre engagement
15. Redisant notre
ferme volonté d’apporter notre contribution pour protéger la Nation et
travailler au bien-être intégral de la population congolaise, nous
accompagnerons ce processus électoral par l’éducation civique et électorale.
Nous organiserons à cet effet, des moments de prière dans tous les diocèses de
notre pays. Nous veillerons à sauvegarder la liberté de l’Eglise en évitant
toute forme de récupération.
16. Nous souhaitons
que la célébration du 54ème anniversaire de l’indépendance de notre
pays apporte à tous un sursaut patriotique
et un réel engagement pour réussir le pari de bâtir un pays plus beau qu’avant et d’assurer la grandeur de la RD
Congo.
17. Nous confions la
réussite du processus électoral à l’intercession de la Vierge Marie et de la
Bienheureuse Marie Clémentine Anuarite en cette année du 50ème
anniversaire de son martyre. Que Dieu prenne en grâce notre peuple et bénisse notre pays[10].
[1] Cf. CENCO, « Il
est temps de nous réveiller » (Rm 13,11b) Message de la Conférence Episcopale
Nationale du Congo aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté à
l’occasion du 48ème anniversaire de l’indépendance, Kinshasa, Editions
du Secrétariat Général de la CENCO 2009, n° 15.
[2] Cf. Gn 1,26.
[3] Cf. Communiqué du Comité permanent de la Conférence Episcopale Nationale du
Congo (CENCO) sur le cycle électoral 2013-2016, 28 février 2014. n° 8.
[4] Cf. Mémorandum du Comité permanent de la
Conférence Episcopale Nationale du Congo au Président de la République sur
l’état actuel de la Nation, le 22 février 2014, n° 18.
[5] Cf. Constitution
de la République Démocratique du Congo, Exposé des motifs de la Constitution du
18 février 2006, dans Journal Officiel de
la République Démocratique du Congo, 52eme Année, Kinshasa, 5
février 2011, p.82.
[6] Ibidem.
[9] CENCO, « Année électorale : Que devons-nous
faire ? » (Ac 2,37). Exhortation du Comité permanent de la
Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) aux fidèles catholiques, aux
hommes et aux femmes de bonne volonté, Editions du Secrétariat Général de la
CENCO, 2011, n° 21.
[10] Cf. Ps 66, 2.
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