Nous sommes des Jean
Au cœur des jours
et des nuits
Nous sommes des
Jean
Sous des arbres plantés
le long du boulevard Lumumba, à Kinshasa, j’ai acheté une sculpture sur bois, œuvre
d’un artisan prénommé Jean Bosco. Pour négocier le prix, comme il convient,
j’ai fait remarquer au vendeur le fait que par nos prénoms respectifs, nous
sommes des « homonymes ». Il n’y a pas de conclusion à tirer
là-dessus, je le concède. Mais c’est un argument comme un autre qui peut
produire l’effet désiré lors d’un marchandage.
Je ne peux savoir objectivement
si l’argument a pesé dans le prix comptant. Je n’ai jamais su quand je gagne et
quand je perds dans le marchandage. C’est autant un art qu’un exercice de
philosophie pratique. Et dans l’un et l’autre cas, le succès n’est pas une science
exacte.
J’ai donc acheté l’objet
d’art pour les cinquante ans de sacerdoce de mon ami prénommé Jan autrement dit
Jean. J’ai hésité à mentionner ce troisième Jean dans le marchandage. Ce
troisième est un Blanc, et généralement, la balance penche fort à la tête du
client Blanc. Il y a deux poids et deux mesures. J’ai donc gardé les détails
sur la destination de mon achat et surtout sur le destinataire final. Mais je pensais
bien à ce troisième Jean, mon ami pour qui j’entreprendrai même un long voyage.
Il faut un objet d’art qui lui parle, qui signifie bien quelque chose, qui
raconte une histoire, par exemple.
Un homme d’importance est
assis dans une pirogue, sous un toit frappé du chiffre 50 que j’ai fait
inscrire exprès par Jean Bosco. Deux pagayeurs sont devant l’homme important et
deux autres par derrière. Ils animent,
propulsent la pirogue tout gentiment. C’est ainsi que j’ai expliqué en
remettant le cadeau à mon ami et homonyme. J’ai expliqué au jubilaire que les
quatre pagayeurs représentaient, à mon sens, tous ceux qu’il a connus dans sa
vie, à commencer par Dieu qui l’a appelé au sacerdoce et qui le conduit
lui-même depuis lors. Mais il y a aussi les parents, les maîtres d’école, les
prêtres et tant de bienfaiteurs que chacun de nous peut compter dans son
cheminement. Et il y a ceux qui suivent le vieux prêtre sur la voie du
sacerdoce. Ils raniment le cœur du vieux prêtre en rappelant qu’il ne s’est pas
trompé en répondant un jour à l’appel du même Dieu qui appelle encore
aujourd’hui. Et il y a ceux qui sont des bénéficiaires du ministère du prêtre.
Ils sont la joie du prêtre. Ils sont le motif de sa vie. Ceux notamment qui ont
reçu de lui les sacrements. A commencer par le baptême. Et donc le nom du
baptême, le prénom.
Et c’est le prénom, le
nom de baptême qui me rappelle que l’artisan et vendeur de l’objet d’art et
moi-même, nous sommes providentiellement réunis dans la barque du vieux prêtre.
Il y a aussi, dans l’entourage du jubilaire, une Marjan, Marie-Jeanne. Nous
sommes dans la communion des saints. Des saints patrons. Des vivants et des morts.
J’en connais qui ont reçu
le baptême mais qui ne peuvent se réclamer d’aucun saint patron. Les prêtres
qui les ont baptisés étaient peut-être distraits. Ils ne les ont reliés à aucun
saint patron. Il y en a ainsi qui ont reçu des prénoms qu’ils trouvent jolis et
modernes, mais qui ne font participer à aucune famille de saints, à aucune
communion des saints.
Lorsque le Saoudien Oussama
Ben Laden est devenu célèbre en 2001, son nom est parvenu aux oreilles d’une
jeune dame analphabète d’Afrique du nord. Elle avait donné naissance à un beau
garçon. Elle le nomma « Ben Laden ». L’entourage cultivé s’indigna.
La dame ne comprit pas pourquoi la désapprobation. On lui raconta l’histoire de
Ben Laden, un chef terroriste, un méchant recherché par le monde. La jeune dame
ne comprit toujours pas beaucoup. Et on ajouta des explications et des
commentaires. La jeune maman comprit. Et elle répondit que monsieur Ben Laden était
sans doute méchant mais que son prénom était beau. Le prénom de son adorable fils.
Jean-Baptiste MALENGE Kalunzu
jbmalenge@gmail.com
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Merci de laisser votre commentaire ici.