Visible et invisible
Au cœur des jours
et des nuits
Visible et
invisible
Celui qui voyage beaucoup dans le monde peut
avoir l’impression de ne plus jamais passer inaperçu nulle part. Tout semble
mis en œuvre pour vous contrôler et vous faire sentir que vous êtes dépisté, surveillé
ou, si vous préférez, accompagné comme par un ange gardien. C’est dans les
aéroports que vous faites souvent cette expérience.
La technique de la biométrie appliquée pour
les nouveaux passeports ne vous laisse pas l’occasion de coller votre photo
d’identité pour vous faire passer pour votre frère. La photo a été intégrée au
passeport depuis le Ministère qui vous l’a délivré. Rappelez-vous : on
vous a « capturé » là-bas, comme on dit. On vous a pris en photo,
mais la photo est numérique. Jusque-là, seuls les métiers de la vidéo
utilisaient le terme peu courant de capture dans une étape du montage des
images vidéo. Mais c’est bien compliqué à comprendre, justement. Sauf que
maintenant, on capture pour quiconque veut un passeport. On en parle comme si
on capturait l’individu, la personne. Dans les décennies anciennes, des
Africains auraient bien ressenti et cru qu’on avait capturé leur âme et leur
visage et leur corps tout entier sur une carte de photo. Toutes les photos ne
sont pas sur carte, aujourd’hui. Désolé pour ceux qui appellent toute photo une
« carte » !
On vous a capturé, et l’officier de
l’immigration à l’aéroport vous reconnaît en posant tout juste votre passeport
sur l’appareil à sa disposition. Vous n’auriez même plus besoin de décliner une
autre identité. Ni votre adresse ni votre profession. Ne vous en faites pas si
vous avez pris le passeport de votre frère jumeau. Les empreintes digitales
vous trahiront dans un aéroport prochain si vous avez déjoué la vigilance des
agents de chez vous ou si vous avez bénéficié de leur complicité. Des caméras
cachés vous regardent et vous voient.
Oui, la technologie avance, mais la
complicité, la ruse des humains aussi. Et voilà pourquoi il faut multiplier les
barrières. Les files d’attente deviennent parfois très longues dans certains
aéroports. Parce qu’il faut bien vérifier que celui qui est devant l’agent de
l’immigration est bien celui qui est là devant lui. Comme si l’on pouvait être
visible et invisible à la fois !
Vous êtes bien visible lorsque vous
utilisez votre téléphone ou votre ordinateur, surtout lorsque vous êtes
connecté à l’internet. Vous êtes géolocalisé, comme on dit. Autrement
dit : Vous êtes surveillé. Gare à vous si vous avez pensé envoyer des
messages sms ou des e-mails anonymes ou sous de faux noms. On vous retrouvera. Vos
messages peuvent être suivis, retracés, comme on dit aussi. Le téléphone,
l’ordinateur qui a envoyé le message est repérable, visible, identifiable.
Comme disait Jésus de Nazareth, tout ce qui est caché sera un jour dévoilé…
Si vous voulez passer inaperçu dans ce
monde, provisoirement, faites comme le Saoudien Oussama Ben Laden. Recherché
depuis 1999, il n’a été retrouvé et tué qu’en 2011. La légende raconte que la
traque par les services de renseignement des grandes puissances avait duré si
longtemps parce que Ben Laden s’était interdit tout usage du téléphone ou de
l’ordinateur et de l’internet.
Les descendants de Ben Laden dans le
terrorisme n’attendent pas d’être surveillés par les nouvelles technologies de
l’information et de la communication. La défense consiste dans une meilleure
attaque. Les terroristes excellent justement dans la… cybercriminalité. Ils
maîtrisent l’internet. Pour se rendre invisibles, ils savent comment faire pour
se rendre d’abord et surtout visibles. La meilleure façon de se rendre
invisible, c’est donc de se rendre visible. Ils ont déplacé le terrain des
attaques. Et dans les aéroports, le contrôle des voyageurs se perfectionne de
jour en jour. Le « progrès rapide » dont parlait le pape Jean-Paul II
en 2005 s’agissant des technologies de l’information et de la communication se
vérifie bien de jour en jour. Pour le meilleur et pour le pire.
Jean-Baptiste MALENGE Kalunzu
jbmalenge@gmail.com
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