Les poches du garçon
Au cœur des jours
et des nuits
Les poches du garçon
Le petit garçon que j’étais avait son style
vestimentaire. Lorsque, pour les fêtes de Noël et du Nouvel an, mon père avait
décidé d’offrir de nouveaux habits à la famille, je rappelais mon goût :
ma nouvelle culotte devait porter des bretelles et les bretelles devaient soutenir
une poche placée sur la poitrine.
Dans la poche, je gardais, évidemment, mes billes et
autres petits trésors. Mais la poche, je l’exigeais aussi grande que possible.
J’y gardais aussi et surtout des cacahouètes ou bonbons ou autres friandises.
L’une ou l’autre fois, j’ai gardé dans ma poche quelques pièces de monnaie.
Elles n’y restèrent pas longtemps. J’achetais aussitôt des beignets…
J’estimais alors que les poches étaient très précieuses
pour ma vie. Je m’imaginais bien que tout être humain devait avoir besoin d’une
poche sur ses vêtements. Et ce que je n’arrivais pas à comprendre, c’est de
voir que mes sœurs ne demandaient jamais d’avoir une poche sur leur robe ni sur
leur jupe. Les filles ne portaient pas encore de pantalons qui sont cousus avec
des poches dès l’usine ou dès l’atelier de couture. Je n’avais jamais vu non
plus une fille porter un sac à main, un de ces jolis sacs qu’elles ne quittent
jamais aujourd’hui.
J’ai repris ma question bien plus tard. Lorsque je
remarquai que les filles manquaient presque toujours d’argent. Le garçon doit
trouver de l’argent à remettre à la fille. Une loi non-écrite dicterait ainsi
au garçon, dès le bas âge, d’avoir une poche. Mais n’est-ce pas parce que le
garçon porte des poches que les filles s’imaginent qu’il est toujours plus
riche qu’elles ? Et j’avoue que marcher les mains dans mes poches me donne
toujours fière allure. Et peut-être que les filles qui me voient s’imaginent
que je palpe alors de l’argent.
Ne serait-il pas parce que les garçons ont des poches
qu’ils doivent payer la dot lorsque la vie et l’âge les emmènent à solliciter
une fille en mariage, à demander la main d’une fille à des parents qui savent
que leur fille n’a pas de poche ? Sinon, pourquoi revient-il au garçon de
payer une dot ?
Vous insisterez pour dire que depuis quelques années, les
filles portent des pantalons munis de poches et qu’on n’imagine pas du tout une
fille sans poche ni sac à mains, quelque part. Certaines filles portent aussi
des portefeuilles. Dans les sacs à main de filles, il n’y a pas que des
produits de beauté. Parfois, il y a aussi de l’argent, et beaucoup d’argent. Parfois.
Mais une femme préfère toujours de l’argent sorti de la
poche d’un homme. C’est une vieille chanson qui le prétend ainsi. Je parle bien
des femmes d’autrefois, diriez-vous. Et vous avez raison. Les femmes
d’aujourd’hui sont émancipées. C’est-à-dire qu’elles peuvent se gérer,
financièrement parlant. Et je suis d’accord là-dessus. Et je comprends pourquoi
elles sont de plus en plus nombreuses les filles célibataires. Le célibat ne
tombe pas dans leur vie comme une maladie contagieuse. Le célibat, elles l’ont
choisi. En connaissance de cause. Et un jour, ces filles exigeront que l’on
supprime la dot. Parce que la pratique de la dot fait croire que les filles ne
portent toujours pas de poches, qu’elles ne gagnent jamais plus d’argent que
les garçons. Un jour prochain, j’espère, les femmes exigeront de supprimer la
dot. Ou de la verser elles-mêmes, de leur poche, à la famille du garçon.
Jean-Baptiste
MALENGE Kalunzu
jbmalenge@gmail.com
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Merci de laisser votre commentaire ici.