Prière d’aînesse



Au cœur des jours et des nuits

Prière d’aînesse

La fillette de trois ans prétend n’avoir jamais été bébé. Appelez-la comme vous voulez, sauf lorsque vous insinuez qu’elle a été bébé. Si elle daigne vous répondre, elle commence par rappeler qu’elle a trois ans, qu’elle est la sœur aînée et que sa jeune sœur, le bébé, a un an d’âge. Et si vous avez compris, tenez compte du droit d’aînesse de la sœur de trois ans. Et de tous les aînés, si vous avez de la considération pour les âges.

C’est en écoutant la Supérieure générale d’une congrégation religieuse que j’ai pensé que le droit d’aînesse pouvait bel et bien se discuter parfois. Il semble que des religieuses se targuaient du droit d’aînesse pour se soustraire à obéir à une plus jeune devenue supérieure. Il semble aussi que le droit d’aînesse donnait d’autres privilèges. Je n’ai pas bien compris lesquels. Mais les religieuses insistaient, semble-t-il, pour le respect de la tradition africaine à ce sujet. Elles rejettent volontiers bien d’autres traditions africaines, au nom de la modernité et de l’évangile. Mais les traditions qui vous arrangent, vous y tenez. Le droit d’aînesse, avec ses privilèges, par exemple.

Vous respectez bien certaines traditions et vous en rejetez d’autres, aurait répondu Jésus dans sa façon toute particulière de contester des traditions et des pratiques. Les pharisiens, les scribes et autres docteurs de la Loi lui en voulaient à juste titre. Il avait tant et tant de fois contesté le droit d’aînesse en disant : « Les premiers seront les derniers, les derniers seront les premiers. »
On retient la leçon si l’on est chrétien, si l’on prie Jésus. Mais la mère de la fillette de trois ans en a fait une autre expérience avec cette aînée à qui il a bien fallu apprendre déjà à connaître Jésus, à le prier. Chaque soir, avant le coucher, la sœur aînée prie à son nom et au nom de la jeune sœur qui ne sait pas encore parler ni faire le signe de la croix. La sœur aînée, de trois ans, sait remercier Jésus et lui faire quelques petites demandes. Heureusement que Jésus est Dieu et qu’il ne peut donc se fatiguer d’entendre les mêmes prières que vous lui adressez chaque jour. La fillette de trois ans fait, chaque soir, la même prière, qui semble lui tenir fort à cœur.
La fillette remercie Jésus pour papa et maman et pour les cadeaux. A propos des cadeaux, il s’agit surtout des cadeaux que l’enfant souhaite obtenir bien plus que ceux qu’elle a déjà obtenus. Et plus clairement encore, et chaque soir, la fillette demande à Jésus de faire que sa jeune sœur, qui se tient debout depuis peu et qui marque ses premiers pas, sur ses deux pieds, qu’elle ne dépasse jamais en taille sa sœur aînée. Que le bébé reste bébé et que la sœur aînée reste l’ainée ! C’est la prière que Jésus doit exaucer.
La sœur aînée n’a que trois ans, malgré tout ce qu’elle pense d’elle-même et de son âge. Elle est enfant, elle changera, espère la maman. Comme ont changé des aînés de l’école secondaire de la maman elle-même. Les aînés de deuxième année brimaient les plus jeunes de première année. Pour leur faire sentir et leur apprendre une fois pour toutes les égards dus aux aînés.
Mais la jeune mère a peur pour ses enfants et pour l’ensemble du peuple congolais, ajoute-t-elle. Elle en a entendu, des prières qui demandent la mort des adversaires politiques, notamment. Lorsqu’un candidat a perdu les élections dernièrement, ses partisans ont demandé à Dieu de brûler vif le vainqueur et ses partisans et leurs bureaux et leurs drapeaux et tous leurs biens.
Dans la Bible, saint Paul écrit aux Philippiens que Jésus, qui était Dieu, s’est néanmoins abaissé, a pris la condition de serviteur, est devenu semblable aux hommes et a obéi jusqu’à la mort sur une croix (Cf. Philippiens 2,6-8). La Bible parle aussi de Jean-Baptiste, cousin de Jésus de Nazareth et son aîné de quelque six mois. Jean-Baptiste avait dit : « Il faut qu’il grandisse, et moi, que je diminue. » (Jean 3,30)

Jean-Baptiste MALENGE Kalunzu
jbmalenge@gmail.com

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