Entrer au couvent pour « dormir dans la chapelle »
Témoignage de
Sœur
Germaine-Marie
de la Sainte Face
(Nathalie)
MITWARI,
Sœur de sainte
Marie
de Namur
« Maintenant
que je n’ai plus d’apostolat direct, à 80 ans, je me consacre à la prière et au
silence pour soutenir celles qui luttent dans la vallée des larmes afin que
leur apostolat porte des fruits agréables à Dieu. »
Qui
suis-je ? Permettez-moi de me présenter : Je m’appelle Nathalie Mitwari,
je suis la deuxième fille de la famille d’Albert Mitwari et de Germaine Kiwele.
Notre famille comptait dix enfants dont six filles et quatre garçons. Je suis
née à Ambura-Capital le 15 avril 1937. J’ai grandi à Tango-HCB (Huileries du
Congo-Belge), devenu plus tard Tango-PLC (Plantations Lever au Congo) où papa
travaillait. Nous habitions le camp Matadi, au numéro 18. C’est là que j’ai
vécu, dans une famille paisible, harmonieuse et chrétienne. Je me rappelle que
chaque matin, c’est la prière du papa qui nous réveillait.
Très
tôt, ma sœur aînée Astrid (que Dieu ait son âme !) et moi, nous sommes
parties à Leverville-Soa pour commencer l’école primaire. Après le certificat
de la sixième primaire, j’ai entamé l’école normale avec comme directrice sœur
Françoise Elisabeth, de la congrégation des Sœurs de sainte Marie de Namur. A
la chapelle où nous allions pour le chapelet, la soeur me fascinait au point
que je désirais entrer au couvent pour dormir à la chapelle. Je croyais que les
sœurs passaient la nuit à la chapelle afin de ne pas courir pour y aller.
Mon
désir était d’entrer chez les sœurs de sainte Marie de Namur, mais elles
n’avaient pas de noviciat. Et je ne voulais pas en parler, jusqu’au jour où la
Supérieure générale est passée pour sa visite. Et c’est alors que j’ai parlé à une
demoiselle laïque belge qui était notre titulaire de deuxième normale. Elle m’a
introduite auprès de sœur Françoise Elisabeth, et celle-ci, auprès de la Mère générale
qui m’accueillit avec beaucoup de bonté et de tendresse.
La
Mère générale m’a dit de prier et d’annoncer aux parents que le 7 septembre
1956, je devrais me trouver à Djuma pour commencer le postulat. C’est à papa
que je l’ai dit, et il était d’accord. Et comme je lui avouais que j’avais peur
de le dire à maman, il m’a simplement répondu : « Est-ce que ta
maman ne prie pas le bon Dieu ? » J’étais apaisée, et j’ai chargé papa
de l’annoncer à maman.
Expérience vocationnelle
Comme
convenu, le 7 septembre 1956, nous étions à la mission, et c’est à 7h00 du matin
que nous avons quitté Leverville en direction de Djuma où nous attendait sœur
Marie Pia, d’heureuse mémoire, comme maîtresse du noviciat. Dans l’après-midi,
nous arrivions à Djuma, à la joie de toutes les sœurs.
Le 8
septembre, en la fête de la Nativité de la Vierge Marie, avant l’office des
vêpres, nous étions habillées tout en blanc de la tête aux pieds, c’est-à-dire avec
voile, robe, pèlerine, chaussettes et pantoufles blancs. Ma dévotion à la
Vierge Marie a toujours été filiale.
Le 12
août 1957, en la fête de sainte claire, nous sommes devenues novices. Nous
avons pris l’habit. A cette époque, la tradition voulait qu’à l’exemple
d’Abraham, on change de nom. Il fallait proposer trois noms, et avec la
supérieure, on en choisissait un. C’est ainsi que de Nathalie, je suis devenue
sœur Germaine-Marie, le nom de ma mère.
A Jambes,
en Belgique, c’est sœur Camille qui était maîtresse des novices avec sœur
Jacques comme assistante. Nous étions nombreuses, de toutes nationalités, et
c’était bon de faire connaissance, de se lier d’amitié avec les personnes que
nous ne connaissions pas encore. Nous deux, nous étions comme deux couleurs noires
au milieu d’une masse de Blanches, mais nous n’avions aucun complexe. Nous nous
sentions à l’aise. Et nous nous aimions beaucoup entre nous, très
fraternellement.
Deux
ans plus tard, nous étions admises à émettre nos premiers vœux, toujours le 12
août, à Jambes. C’était très beau. Nous nous sommes habillées comme de jeunes
mariées, avec un long voile blanc, qui était retiré pour faire place à un voile
noir après l’émission des vœux. Après cela, nous sommes descendues à Namur où
nous attendait sœur Marie Jean, maîtresse du juniorat.
Après
avoir passé une année en quatrième moderne à Namur, je suis allée à Champion
pour suivre les cours en première année normale Fröbel pour l’école maternelle.
Un an et un trimestre plus tard, les supérieures nous ont demandé, à ma
compagne, qui était à Sainte Elisabeth à l’école d’infirmière et à moi-même,
d’obtenir un diplôme du Congo à l’école des monitrices, car les sœurs de Sainte
Marie allaient quitter Leverville pour fonder Fatundu en 1963.
Ayant
obtenu le diplôme de quatrième normale le 24 août 1962, j’ai été désignée avec
sœur Marie Paul, d’heureuse mémoire, sœur Christine Lemaçon, elle aussi
d’heureuse mémoire, et sœur Claire-Thérèse, pour fonder la communauté de Sia.
Nous
devions récupérer les filles qui étaient chez les garçons pour reconstituer une
direction. Sœur Marie Paul était supérieure et directrice. J’avais la quatrième
année primaire. L’année d’après, je devais monter en cinquième année avec mes
élèves. En septembre, à la rentrée scolaire, sœur Aimée Marie tombe malade et
le médecin dit que son cas est grave. D’ailleurs, elle mourra à Kikwit en avril
1963. Il y eut un changement : la directrice de Djuma, sœur Marie
Marguerite, rentre à Kikwit, et sœur Marie Gabrielle, maîtresse des novices,
devient directrice de l’école primaire de Djuma. On me demande d’aller à Djuma
comme adjointe pour aider la directrice tout en ayant la classe de troisième
année. C’est ainsi que je quitte Sia et mes élèves de cinquième année. Mais j’y
reviendrai à deux reprises comme directrice et supérieure de la communauté
pendant six ans avec interruption.
Pendant
que je dirigeais l’école primaire, mon grand souci était de conduire les
enfants au Christ par la prière. C’est ainsi que les messes scolaires étaient
organisées une fois par semaine. Et le jeudi, nous organisions l’adoration au
Saint-Sacrement à la première heure, à la place du cours de religion, où
j’apprenais aux enfants comment entrer à l’église et comment se tenir devant le
Saint Sacrement, en me rappelant cet article de nos constitutions n° 75 (Cf. Is
56,6-8). Un des plus grands services que les sœurs puissent rendre à leurs
frères est de les conduire à la prière, car tous sont créés pour servir et
aimer le Seigneur, l’adorer en esprit et en vérité et se réjouir dans la maison
de prière.
Cela
a toujours été mon grand souci de conduire les hommes à Dieu. Aussi, comme
supérieure de la maison, le lundi, je relisais avec les travailleurs l’évangile
du dimanche et nous faisions un petit partage. C’était pour moi l’occasion de
leur expliquer certaines choses à travers l’Evangile. C’était surtout à Djuma
avec ceux de l’école, qui se joignaient à ceux de la maison. C’était une
conduite pendant que j’avais l’apostolat direct et actif.
Maintenant
que je n’ai plus d’apostolat direct, à 80 ans, je me consacre à la prière et au
silence pour soutenir celles qui luttent dans la vallée des larmes afin que
leur apostolat porte des fruits agréables à Dieu.
Pour
la congrégation
La
vocation est personnelle, mais en arrivant au couvent, j’ai rencontré d’autres
personnes appelées par le même Jésus pour former une communauté fraternelle.
Chacune de nous étant différente, il faut accueillir chacune telle qu’elle est.
Cela n’a pas toujours été facile.
Ce
qui m’a soutenue et m’a permis de vivre avec joie mon appartenance à la
congrégation des Sœurs de Sainte Marie de Namur, c’est ma fidélité à la prière
au quotidien quel que soit le temps ou le lieu. C’est surtout l’Eucharistie qui
a alimenté mes forces spirituelles et morales. Dans toutes les circonstances, Dieu
m’a toujours soutenue. Dans la Bible, ce passage de l’Exode m’a toujours
fascinée : Exode 33,11. Yahvé conversait avec Moïse face à face comme un
homme converse avec un ami. Et en saint Jean 15,15, Jésus nous dit :
« Je vous appelle amis, car tout ce que j’ai appris de mon père, je vous
l’ai fait connaître. »
Sainte
Thérèse de l’Enfant Jésus que j’ai découverte depuis l’entrée au postulat m’a
toujours accompagnée, elle est devenue pour moi comme une grande sœur. C’est
ainsi que je m’appelle Sœur Germaine de la Sainte face. Et comme elle, je
voudrais faire tout par amour de Jésus dans le silence et rester cachée en lui.
Que
dire aux jeunes qui nous suivent ?
La
vie que nous avons librement choisie est une offrande de nous-mêmes, dans une
fidélité silencieuse qui doit durer. Il faut être responsable de ses
convictions personnelles et capable de prendre des initiatives tout en étant en
dialogue avec l’autorité compétente. Je voudrais vivre dans la joie
d’appartenir à Dieu dans la congrégation des Sœurs de Sainte Marie de Namur. Je
soutiens que la fidélité à la prière nous aidera à tenir bon dans le silence
qui est un ami qui ne trahit jamais. Nous pourrions réaliser le rêve de Don
Minsart, notre fondateur, qui nous voulait « au dernier rang » parmi
les instituts similaires.
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