Préface à : KIBEL'BEL Nicaise, Le Jihad en RD Congo



La nouvelle est tombée des agences de presse le jeudi 18 avril 2019 : « Le groupe Etat Islamique revendique pour la première fois une attaque près de Kamango, dans la région de Beni, en République démocratique du Congo. »
Ne s’agit-il pas là d’une « fausse nouvelle » de plus, dans un contexte congolais friand de « nouvelles » de guerre ? Les médias occidentaux n’ont que trop donné l’impression de se délecter d’une image de la RDC en guerre permanente. Face à cette « information », le doute pouvait donc être de rigueur. La critique s’imposait.

En attendant la réponse, les réseaux sociaux si rapides et frivoles se sont emparés de la « nouvelle » pour brandir (enfin, dirait-on) la menace islamiste et pour la partager comme un scoop. Des lecteurs avertis se rappelèrent bien plutôt qu’en 2017, le journaliste Nicaise Kibel’ Bel avait publié son avant-dernier ouvrage sur cette « menace » : L'avènement du Jihad en RD Congo: Un terrorisme islamiste ADF mal connu. Et le journaliste n’avait cessé, depuis de bonnes années, à alerter l’opinion par toute voie médiatique.
Voilà que sans vouloir sacrifier à la frénésie de la rumeur, l’auteur publie un nouveau livre afin de faire mieux connaître ce « terrorisme islamiste mal connu ». Sans polémique, le journaliste sûr de lui est catégorique :
« Le terrorisme islamiste, au nom de la chari'a, a conquis l'est de la RD Congo et s'y est installé. Des recrutements s'organisent depuis la Tanzanie, le Burundi, le Rwanda en passant par Uvira, Fizi, Bukavu (Sud-Kivu) et par l'Ouganda, le Sud Soudan pour atteindre le point d'ancrage qui est Medina, dans le parc national des Virunga. Le terrorisme islamiste est une réalité indéniable. Il n'est pas du genre de maladie à virus Ebola pour qu'on attende les résultats d'analyses envoyées au laboratoire d'Atlanta aux États-Unis pour le décréter ni les lunettes des ‘experts’ occidentaux pour accréditer ou non une réalité devenue une évidence même. »
Sur la présence islamiste en République démocratique du Congo voire en Afrique centrale, divers « experts » ont dit leur méfiance, lisant plutôt à chaque fois le complot ou une machination propagandiste. Les « experts » doutent de la « nouvelle » d’avril 2019 comme de toutes les affirmations antérieures et notamment celles d’un certain Nicaise Kibel’ Bel.
Mais Kibel’Bel ne se prive pas de controverse avec les « experts » occidentaux ou congolais. Il n’a pas cessé de répondre à des objections. Sa conviction devient un leitmotiv. Il en a référé, en 2018, à des officiers supérieurs et généraux de l’armée, à des membres de la classe politique. A la radio, il en a débattu à maintes reprises avec des députés. Imperturbable, il défend ses méthodes de recherche et d’analyse et il se revendique de son statut de journaliste d’investigation, dans un pays et une culture journalistique où le raccourci, le mimétisme s’imposent en règle plus que la vérification austère de l’information.
Le nouveau livre de Kibel’ Bel vient donc enfoncer le clou. Le titre est sans équivoque, et le propos clair n’est pas seulement journalistique. Il est aussi bien pédagogique, à l’attention du vrai/bon lecteur, par l’exhortation qu’il choisit comme véritable plaidoyer. Kibel’Bel révèle aussi le mode de financement du mouvement islamiste depuis le Pakistan jusqu’à Beni. Et il peut en appeler, une fois de plus, à la sociologie. Et l’air de rien, sans prétention, le journaliste peut oser faire la leçon aux gouvernants :
« La force des ADF, c'est enfin la faiblesse de l’État dans beaucoup de domaines notamment le recensement de la population au niveau de Beni, la construction des mosquées ‘centre d'accueil’ autour de Beni ville et sur l'ensemble du territoire de Beni, la prise en charge d'une jeunesse désœuvrée à travers des activités productrices comme la vente de carburant, des boutiques, des taxi-motos, la porosité des frontières, la corruption de certains agents de l'administration et la non maîtrise de renseignements. »
La discipline intellectuelle impose bel et bien le droit de confronter les thèses de Kibel’Bel avec d’autres. Or, sur les quelques objections émises, les écrits de Kibel’Bel ont l’avantage offert par le journalisme d’investigation. L’auteur s’en revendique.
Par-dessus tout, la polémique aura eu le mérite de nourrir un débat intellectuel. Les thèmes à débat manquent parfois, dans l’espace congolais qui se complaît d’habitude à ressasser des sujets inscrits à l’ordre du jour par l’écume des prétentions et autres hypothèses de savants autoproclamés. Pourtant, évoquer la présence de terroristes dans le pays ne peut se résoudre par une simple raison gagnée au bout d’une belle discussion ni d’une belle dissertation : des vies humaines sont en jeu, et l’éthique ne devrait pas constituer le cadet des soucis des débatteurs amateurs ou professionnels.
A la vérité, la polémique décroît ou languit parce que, contrairement aux attentes, les faits sont têtus, et ils s’imposent pour départager les débatteurs et tenants de thèses les plus académiques ou politiciens. Des centaines de morts sont comptés dans le périmètre si étroit d’un coin de la vaste République démocratique du Congo. La compassion est trop facile lorsqu’on en voit, sur des réseaux sociaux, qui portent en slogans propagandistes la nécrologie des territoires de Beni et de Lubero.
La polémique décroît aussi grâce à la « croisade » menée assidument mais modestement par le journaliste d’investigation Nicaise Kibel’ Bel. Voilà des années qu’il se fait conspuer et même haïr pour sa persistance à affirmer haut et fort l’existence de terroristes jihadistes dans l’est de la République démocratique du Congo. Ceux qui ont fermé leurs oreilles à tout récit et à toute explication du journaliste n’ont pas manqué de se retrouver, le lendemain, obligé de chercher et de fournir l’explication plausible qui dirait la persistance de la chronique nécrologique qui ne peut s’éteindre au seul déni de bien-pensants ou bonnes volontés. La réalité décrite et argumentée par Nicaise Kibel’ Bel ne peut se démentir et s’objecter qu’au regard de faits avérés.
Et pour qui n’aurait pas lu les ouvrages antérieurs de l’auteur, voici ce dernier qui renseignera de manière fort utile.


Jean-Baptiste MALENGE Kalunzu
Prêtre et journaliste
Professeur et chercheur en philosophie de la communication

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