La force de la beauté
Au cœur des jours et des nuits
La force de la beauté
La
véritable révolution de la modernité palpable dans les rues de Kinshasa doit
être la présence de cantonniers. Ces hommes et ces femmes qui nettoient,
enlèvent chaque centimètre, chaque millimètre de sable et d’autres saletés. Ils
ont bien du travail. Les Kinois crachent partout, ils mettront encore longtemps
avant de savoir l’usage d’une poubelle, avant surtout de savoir qu’il revient à
l’être humain d’embellir son environnement.
Mais
le Kinois est bien sensible à la beauté. Il admire tout espace embelli, fleuri.
Et il dit que c’est propre pour dire que c’est beau. Il faut lui apprendre que
la beauté et la propreté ne sont pas dans la nature sauvage, qu’elles dépendent
plutôt de l’homme et de l’homme seul. S’ils sont chrétiens, ils devraient
apprendre ce que le pape François a dit récemment concernant la création : « Un chrétien qui ne prend pas soin de la Création, qui ne la
fait pas croître, est un chrétien qui n’attache pas d’importance au travail de
Dieu. »
Dans
ma rue, des religieuses ont planté la pelouse devant leur concession. Le gazon
est régulièrement tondu. Des fleurs sont arrosées, des plantes sont entretenues,
coiffées. Bref, c’est beau. Les passants admirent et peut-être envient.
De
jeunes gens et jeunes filles, par exemple, ont souvent sollicité l’autorisation
de se faire prendre en photo devant la concession. Beaucoup ont l’impression de
se trouver en Europe, du moins comme à la télévision. C’est propre, reconnaissent-ils,
pour dire que c’est beau.
Depuis
un certain temps, de jeunes gens bien particuliers investissent assidûment le
gazon et y passent des heures de midi. Ils viennent s’y étendre pour prendre
une bonne sieste. Mais ce que les religieuses viennent de découvrir à leur plus
grand déplaisir, c’est que ces jeunes gens sont une bande de fumeurs de
chanvre. La sieste, ils ne la recherchent pas, c’est le chanvre qui l’impose.
Les religieuses ont d’abord fermé les yeux, mais le spectacle durait, et la
patience commençait à fléchir. Parce que l’autorité communale avait promis une
solution qui ne venait toujours pas. Les religieuses avaient d’elles-mêmes alerté
la police, mais la police n’avait pas encore répondu. Apparemment, ce n’est pas
une question de police ni de salubrité publique.
Les
fumeurs de chanvre n’ont jamais répondu qu’avec des menaces et des insultes.
Mais ces méchants jeunes gens viennent de déguerpir par la force tranquille d’une
dame. Sans autorisation de personne, la dame venue de nulle part a rangé sur la
belle place sacs, cartons, bouteilles vides et vieux habits. Pour se nourrir, elle
a même fait le feu sur le gazon bien tondu et elle a brulé les fleurs bien
entretenues. La dame n’a jamais rien demandé à personne, elle n’a jamais rien
voulu entendre. Lorsqu’elle a daigné parler, elle a évoqué la bienheureuse
Marie-Clémentine Anuarite Nengapeta, qui a toujours fait le bien, qui avait un
bon cœur et qui lui aurait désigné cette place pour s’abriter contre les
méchants garçons qui insultent parfois et menacent dans la rue.
Et
depuis la présence de cette dame inspirée, les fumeurs de chanvre ne sont donc pas
revenus. Mais les religieuses ont encore un souci. Elles se demandent pourquoi
les malades mentaux fréquentent tant les couvents, les presbytères, les procures,
les églises.
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