Faites votre beauté
Au cœur des jours
et des nuits
Faites votre
beauté
Faites votre beauté vous-même. Comme on fait son lit pour se coucher. Avec
ou sans matelas, sur une natte ou sur un canapé du salon. Faites votre lit,
trouvez le sommeil nécessaire, et vous n’avez de compte à rendre à personne si
vous vous sentez bien dans votre tête, dans votre corps, dans votre esprit.
De la même façon, faites votre beauté vous-même. Les pays africains l’ont
compris. Enfin. Ils affichent désormais et de plus en plus sur écran leur beauté
pour le regard de qui cherche et veut voir. Les beaux bâtiments tout neufs aux
couleurs chatoyantes. Les chantiers multiples, les poses de premières pierres
et les inaugurations des infrastructures rutilantes. Les rues fleuries, avec
macadam et lignes de sécurité bien tracées. Les passants qui apparaissent
toujours bien vêtus et bien chaussés, comme si la fête de l’indépendance du
pays se célébrait chaque jour de ce côté de la ville. L’indépendance, c’est
maintenant. L’Afrique se récupère… La fête semble ne faire que commencer.
Les huttes d’une autre époque existent bel et bien dans des quartiers des
villes. Les rues boueuses avec des fuites d’eau quasi permanentes et des
caniveaux toujours bouchés, cela existe bel et bien dans les quartiers où les
habitants ne trouvent d’ailleurs pas nécessaire de se laver eux-mêmes chaque
jour au savon. Matin, midi et soir, ils ne finissent pas de se lever du sommeil
et ils ne s’empressent pas pour sortir de chez eux. Mais sortir pour aller où
et pour quoi faire ? Ils n’ont parfois nulle part où aller. Sans aucun
emploi, sans possibilité d’embauche, sans avenir, où voulez-vous qu’ils aillent
et pour quoi faire ?
Vous choisissez de regarder l’Afrique par où vous voulez. Vous aimez la
beauté ou vous êtes comme des coléoptères ou ces autres insectes de mon enfance
qui m’étonnaient toujours parce que, sur les sentiers de mon village, j’en
voyais toujours en train de rouler des saletés innommables. Vous êtes peut-être
comme eux, et vous ne voulez voir que la saleté. Et vous ne parlez que de la
saleté.
Vous êtes peut-être plutôt sensible à la beauté des dimanches. Dans mon
enfance, c’est le dimanche que l’on portait des habits propres. Pour aller à
l’église, chacun se met sous son meilleur jour. Le savon manquait parfois, mais
un peu d’huile de palme ne manquait presque jamais pour s’enduire le front, les
bras et les mollets. Et ainsi briller. C’était beau les dimanches !
Et pourquoi ne pas laisser à chacun de montrer sa beauté, de se montrer
sous son meilleur jour ? Vous voulez que l’on commence par se regarder
soi-même dans un miroir pour qu’on s’aperçoive que la beauté que l’on prétend
est relative. Soit. Mais c’est la beauté, et la mesure est relative. Soit.
La beauté des villes africaines s’affiche de mieux en mieux et de plus en
plus sur des écrans de télévision. Les télévisions nationales africaines se
sont juchées sur satellite. Elles peuvent maintenant se faire voir ailleurs. En
Afrique et dans le monde. Plus besoin, donc, de passer par l’Occident.
Les télévisions d’Occident continuent de montrer l’Afrique des villages
abandonnés et des quartiers pauvres des villes africaines. Ces télévisions
ignorent les chantiers bruyants et rutilants d’Afrique. Ces télévisions ne
voient pas les poses de premières pierres et les inaugurations des
infrastructures. Ces télévisions ignorent la croissance du produit intérieur
brut, la croissance des classes moyennes.
Voilà une trentaine d’années, l’animateur Mateta Kanda vantait sur la radio
nationale la beauté et la joie perpétuelles de Kinshasa :
« Kin-Kiesse » et Kin-la-Belle. Mateta Kanda, d’heureuse mémoire,
vantait la Maison Blanche de Kinshasa, par exemple. De tous les villages du
pays, on écoutait, en ondes courtes. Kinshasa, c’était le lieu du loisir et du
plaisir garantis. Des villageois ont afflué vers la capitale. Et nous y sommes.
Comme beaucoup d’Africains qui sont allés en Europe voir et toucher la beauté
d’Europe.
Jean-Baptiste
MALENGE Kalunzu
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