Le coiffeur et le pasteur
Au cœur des jours et des nuits
Le coiffeur et
le pasteur
Je
n’ai ni l’allure ni l’apparence d’un infirmier ou d’un médecin. Mais le
coiffeur qui s’est occupé de ma tête la toute dernière fois s’est avisé de me
consulter. Il demandait mon avis sur les propos tenus à la télévision par un
pasteur. Le pasteur et sa chaîne de télévision venaient de s’installer dans le
paysage médiatique. On les regardait pour découvrir la nouveauté. Les anciens,
on connaissait trop leur évangile, de A à Z.
Et
voilà que le pasteur racontait avec emphase le dernier miracle sorti de ses
mains. Sous des applaudissements frénétiques de l’assemblée hystérique, le
pasteur relevé par les projecteurs et les couleurs, revenait mille fois sur ce
témoignage. Il prétendait que par sa prière combien efficace, il avait guéri un
enfant souffrant de la drépanocytose, l’anémie SS. La fillette toute pâle, les
yeux hagards, semblait ne rien comprendre. Les caméras fixaient ses yeux vides,
évidés.
Pourquoi
ne pas croire le pasteur s’il s’agit de croire ? Après tout, à Lourdes et
ailleurs, d’autres sont habitués à des témoignages de guérisons miraculeuses.
Pourquoi ne pas croire le miracle produit chez nous concernant une maladie courante
en Afrique noire, l’anémie SS ?
Là
n’est vraiment pas la question. Pas du tout. Le coiffeur n’a même pas cherché à
savoir si je croyais en Dieu. Le coiffeur se plaignait parce que, disait-il, le
pasteur racontait des invraisemblances.
Le
pasteur prétendait donc que la fillette qu’on lui avait amenée souffrait depuis
sa naissance, selon les témoignages de la propre mère de l’enfant. Et la dame a
confirmé en racontant combien elle avait couru tant et tant de médecins, d’hôpitaux
et de guérisseurs de différentes tribus. La dame a raconté qu’on lui avait
finalement prétendu que l’anémie SS était inguérissable. Et que c’est alors
qu’elle a rencontré une connaissance qui l’a orientée vers le pasteur dont les
exploits irréfutables étaient visibles chaque jour sur sa station de
télévision. Et la dame dit qu’elle était venue. Et qu’elle avait vu de ses yeux
vu le miracle.
Le
pasteur se vantait et demandait que ses détracteurs et les sceptiques croient,
au moins une fois, cette fois-ci. Cette fois, l’expertise des médecins ont
témoigné que l’enfant était du groupe sanguin O, criait le pasteur. Et
l’assemblée de l’église criait la gloire du Dieu des miracles, et la chaîne de
télévision montrait aux incrédules la scène qui devrait finir par leur couper
le souffle et le doute. La foule pleurait de joie et d’admiration. On acclama
le Seigneur qui guérit les pauvres et les affligés. La mère de l’enfant
témoignait à chaudes larmes, le pasteur rappelait toutes les souffrances
endurées avec un enfant SS.
Mais
mon coiffeur faisait la fine bouche. Il me demanda si je n’ai jamais appris à
l’école ou ailleurs dans la vie que l’anémie SS était le nom d’un groupe
sanguin. Je souriais pour toute réponse, me refusant à m’engager dans des
controverses qui n’en finiraient pas. Le coiffeur a ignoré ma réponse. Il m’a
posé la question de savoir si la télévision n’avait pas pour objectifs
d’informer et de former au lieu de déformer et de désinformer. Le coiffeur me
demanda si quelqu’un, quelque part, pour la santé publique, avait le droit de
contrôler les propos tenus sur les médicaments, les maladies et les guérisons.
Puisque
le coiffeur avait rendu à ma tête la beauté que je lui avais demandée contre
paiement, j’ai décidé de m’en aller. De l’anémie SS, des groupes sanguins et
des pasteurs improvisés médecins, nous reparlerons à ma prochaine visite.
Jean-Baptiste MALENGE Kalunzu
jbmalenge@gmail.com
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