Vient de paraître : Philosophie africaine, philosophie de la communication




 










Vient de paraître aux Editions Baobab, à Kinshasa
543 pages
Jean-Baptiste MALENGE Kalunzu
L’universel au cœur du particulier
Présentation par le professeur Célestin Dimandja
Préface du professeur Théodore Mudiji
  
Sur l’histoire et les thèmes principaux de la philosophie africaine, on croyait tout savoir depuis les recherches de A. J. Smet, Nkombe Oleko, V.Y. Mudimbe, et les travaux du Conseil Interafricain de Philosophie dirigé par P. Hountondji. Par rapport à ces chercheurs classiques, les synthèses de Ngoma Binda et de Bidima n’ont pratiquement apporté que des modifications de détail relevant d’un même paradigme.
En lisant Philosophie africaine, philosophie de la communication de Jean-Baptiste Malenge, on se prend à penser que presque tout restait à dire. Notamment sur la logique « politique » (au sens fort du terme) qui préside au développement de cette philosophie. Et aussi sur la modernité d’un discours qui ne cessait pas d’intriguer tellement les points de connexion semblaient sinon absents du moins difficiles à saisir.
Avec le père Malenge, les fils sont désormais clairement renoués entre des auteurs africains (tels que Tempels, Eboussi, Kä Mana et Mbonimpa…) que tout semblait opposer. Tous les philosophes africains, y compris ceux qui ne sont pas explicitement cités, peuvent en recevoir un éclairage nouveau ; ainsi en est-il, par exemple, de Nkombe Oleko sur le thème de l’intersubjectivité. De la même manière sont mis en exergue les liens entre des champs intellectuels (tels que la philosophie, la théologie, la politique, etc.) qui, apparemment, n’avaient que des relations continuellement projetées dans l’avenir.
Le père Malenge apporte un regard neuf dont non seulement l’originalité mais aussi la « force » proviennent des faisceaux de la philosophie de la communication, de ce nouveau paradigme actuellement le plus approprié pour traiter des « affaires humaines » dans leurs dimensions transcendantales, religieuses, culturelles et quotidiennes.
Si le philosophe est comme chez lui à chaque page, le théologien, lui, tirera profit d’une philosophie de la communication qui, telle qu’elle est exposée et exploitée à travers tout ce texte, apparaît comme une prise en charge totale de tout l’humain. Un humain qui est toujours un universel au sein de chaque situation particulière. A ce propos, comme le montre l’auteur dans la troisième partie du livre, la philosophie de la communication parle rédemption.
Pour toutes ces raisons, j’appuie tout effort de diffusion de cette pensée neuve.


Professeur Célestin DIMANDJA ELUY’A KONDO

Faculté de philosophie
Université catholique du Congo

Préface


La force et la pertinence du discours prennent leur source dans la compétence de celui qui le tient. L'universel au cœur du particulier. Philosophie africaine, philosophie de la communication hérite de son auteur qui sait de quoi il parle. L'ouvrage marque l'escale importante d'un long itinéraire de philosophie de la communication venue petit à petit à dire son nom. Mais surtout, il est le résultat d'une conjonction de préoccupations assumées avec bonheur durant un cursus académique bien rempli, comprenant notamment les études de philosophie, de théologie et de communication sociale, toutes appuyées par une riche expérience pratique.
Cette dernière recouvre, à titre d'exemples : l'élaboration de travaux reflétant le souci d'une métaphysique fondatrice comme lieu originaire de rapprochement, de dialogue et de communication réussie entre cultures, religions, sujets personnels libres et égaux, dans un univers commun pour tous. En outre, l'auteur, qui entre-temps a été enseignant  de philosophie au niveau supérieur, a publié, entre 1990 et 1994, cinq livres dont quatre tournent autour de l'éthique et de la .politique de la communication au regard des enjeux de l'identité et de l'altérité. Par mandat épiscopal national, Malenge a été chargé des émissions religieuses catholiques pour la radio et la télévision en même temps qu'il est bien connu pour ses prestations régulières à Radio Elikya et à Radio Vatican dont il est correspondant depuis 1992.
Une discipline nouvelle, à l'instar de la philosophie de la communication, place celui qui s'y adonne au carrefour de codes du savoir et du faire, conjugués d'une manière inédite. Ceci me fait comparer Malenge, pour sa polyvalence et à travers le présent ouvrage; à l’un des artistes de grande renommée qu'a compté sa contrée : Sha Mushitu a Gaseshi Pholo, de Nioka-Kakese. Cet homme-orchestre savait faire vibrer son public avec un égal talent, tantôt comme batteur de tam-tam, tantôt comme danseur imbattable de plusieurs « têtes de masques » (mito ya mbuya) représentant le spadassin (phumbu), les ancêtres giwoyo et muyombo, le chef (fumu), le devin (nganga-ngombo) et bien d'autres encore.
Sous-jacent à la sphère de rôles qui le rapproche en savoir-faire avec Sha Mushitu, Malenge sonde un réseau complexe du savoir à situer au carrefour des sciences comme la philosophie, la théologie, la politique, la sociologie, la linguistique, la communication, etc. Il réalise une recherche scientifique rationnelle, systématique et spécialisée caractérisée par le passage qualitatif de méthode et d’intelligibilité. Le procès généralisé qu'il instaure ainsi connecte un englobant ouvrant sur l'infini et un englobé enraciné dans la finitude : le dépassement qu'il en construit corrige et féconde le rapport qui les amène l'un vers l'autre. Les multiples figures de cette mise en communication ontologique se donnent dans le couple fondamental énoncé par l'expression de « l’universel au cœur du particulier ».
L'auteur les exprime en gros selon trois modalités. D'abord, à travers la quête philosophique articulée dans son originalité organique à la forme africaine et autour de l'immense question d'identité. Cette dernière requiert une réponse radicale, abritant la différence et la diversité qui fondent le phénomène tant du refus que de l'acceptation de soi- même et de l'autre. Il en découle des conséquences contrastantes, contenant tantôt les germes essentiels de la violence et de l’exclusion, tantôt les conditions nécessaires et universelles de la paix, de l'équité et de l’avènement d'une communauté culturelle « panhumaine ».
Ensuite se trouve visitée la modalité qui parcourt et joint l'universel abstrait et l'a priori communicationnel. Par là, il est essentiellement question d'arracher d'une part le pluralisme excentré en bipolarité « européocentriste » et « afrocentriste », et d’autre part l’humanisme entravé, puis de poser les conditions de réconciliation avec soi-même et celles de communication entre identiques à soi en humanité. En circonscrivant ainsi l’espace logique de l’interlocution et en dégageant les conditions a priori du dialogue comme fait de relation basé sur la socialité référée à une norme transcendantale, il fait culminer le dépassement salutaire dans une dimension éthico-politique de la reconnaissance.
Enfin, l'a priori communicationnel est rapproché au monde vécu en trois temps. Les temps de l'espace éthique de la reconnaissance, de la justice historique et la communication et de l'espace éthique de la communication médiatique. La grammaire constitue un gué sûr, universellement reconnu à toute langue pour véhiculer la culture. Il n'en va pas autrement en littérature philosophique africaine où le biais des arts et lettres propres précise devant le philosophe africain -et à celui de la communication par les nouveaux moyens médiatiques- sa tâche irremplaçable d'instaurer le discours argumentatif, dépassant le narratif et l'interprétatif. En définitive, l'effort pragmatique de nouer le discours théorique au vécu se traduit en découverte et enracinement de l’universalité à partir de l’analyse des structures intrinsèques de la communication médiatique et dans l’interlocution entre sujets communicants.
L'analyse des structures intrinsèques en question, Malenge l’a effectuée, sous les réflecteurs d'une demi-douzaine d'auteurs avec qui il est d'abord entré lui-même en interlocution. La complexité du sujet traité imposant la pluridisciplinarité dans les approches, à l'exégèse courante ont été associées la médiologie et l'analyse sémio-pragmatique. L'un des grands avantages tirés des textes et situations analysés a consisté dans le rapprochement maximum des abstractions philosophiques avec le monde vécu sur la scène de l'historicité de la pensée morale et politique. L'éthique dé l'identité à harmoniser avec la politique démocratique se charge de raconter l'aventure cosmique d'un monde multipolaire où les pesanteurs de la nécessité et les subtilités des décisions libres s'affrontent dans 1a gestion des espaces publics.
Jean Ziegler, dans un écrit intitulé Les nouveaux maîtres du monde : et ceux qui leur résistent (Paris, Fayard, 2002), fait camper, aux antipodes des « maîtres du monde » qu'il décrit comme prédateurs impitoyables des biens de tous, les dépossédés qui croupissent dans une misère injuste et indigne, de plus en plus sombre. On peut lire, dans le fossé intermédiaire, l'approfondissement tragique du drame créé par la non-reconnaissance des droits universels de l'homme : politiques, économiques, sociaux et culturels. Il donne l'ampleur de la tâche surhumaine: à accomplir pour restituer à chacun l'identité dans la différence. Apparaît, selon lui, dans ceux qui s'organisent pour résister aux maîtres du monde, l'espoir dont l'étendard est porté par la nouvelle société civile et planétaire.
On peut, sans crainte d'être contredit, affirmer que sur un registre différent de celui de Jean Ziegler, l'étude de Jean-Baptiste Malenge portant sur Philosophie africaine, philosophie de la communication. L'univers au cœur du particulier, fait, à sa façon, participer la philosophie, la culture, la pensée religieuse africaines au même gigantesque combat planétaire d'espoir pour plus d'intercompréhension, de justice et de dignité parmi les hommes. Elle le fait en dialectisant et en conciliant en profondeur les antithèses « dramatiques » d'identité-différence, d'universel-particulier, de mêmeté-altérité, etc. situées à l'origine habituelle de la conflictualité.

Professeur Abbé Théodore MUDIJI
Doyen honoraire de la faculté de philosophie
Professeur émérite de l’Université Catholique du Congo

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