Des points et des virgules

Au cœur des jours et des nuits

Des points et des virgules

L’enfant de la rue qui me harcèle ne laisse pas de m’étonner. Il a quatre ou cinq ans ou plutôt l’âge inconnu de ceux qui voient les jours et les nuits se succéder dans la rue.

L’enfant de la rue m’a vu descendre du taxi. Nous n’avons pas fait connaissance. Mais il s’approche juste au moment où je suis en train d’enfouir dans mon portefeuille le billet des cinquante francs congolais que le chauffeur de taxi vient de me remettre. L’enfant insiste, il tend la main et secoue la tête pour que je lui donne les cinquante francs. A l’instant même où nos yeux se croisent, je me demande si cet enfant si petit sait reconnaître qu’il ne s’agit que de 50 francs et que cette somme est dérisoire.


J’oublie de penser qu’en accumulant des cinquante francs en une journée, on peut se faire une bonne somme. Mais vraisemblablement, l’enfant devance mes pensées. Il parle alors et dit ne me demander que 50 francs. Pas beaucoup, ajoute-t-il, en langue lingala. Il insiste. Je lui ai tendu les cinquante francs congolais. Sans plus. J’ai juste emporté un tas de questions sur moi-même et sur les enfants de la rue. Sur le garçon aussi, particulièrement. Depuis quand sait-il reconnaître et apprécier un billet de 50 francs ?

Je me pose ces questions parce que je me dis que cet enfant qui voit les nuits et les journées passer inexorablement sous ses yeux, n’a peut-être pas toujours pu fermer l’œil à l’heure voulue. Cet enfant n’a sans doute jamais été à l’école. Il est peut-être né dans la rue. Et la rue n’est pas une école où l’on apprend à lire, à écrire et à compter…

Je pensais encore au gamin de la rue lorsque j’en ai rencontré un autre, de neuf ans. La vie est plus heureuse pour lui. Il a des parents. Il est à l’école. Il est en quatrième année primaire. Il évolue bien, me dit son père. Et comme pour amorcer une relation, je dis à l’enfant qu’il a de la chance, parce que la quatrième année est plus facile que la troisième. Il approuve. Et pour faire mieux connaissance, je lui tends quatre billets de 500 francs congolais. Je lui demande combien il a reçu. L’enfant n’a jamais pu trouver la réponse. Il n’a peut-être pas l’habitude de tant d’argent entre ses mains. Mais quatre billets, on peut les compter même les yeux fermés. Et le chiffre 500 est bien imprimé, bien lisible. Et en quatrième année, on doit avoir appris à compter et à calculer dans les centaines. Mais l’enfant regarde son père comme pour lui demander de lui souffler la réponse. J’ai coupé court. J’ai fait sentir que la question n’était pas un examen. Que l’argent, je l’avais donné gracieusement. Je sais qu’aujourd’hui, on triche beaucoup à l’école. Jusqu’à l’université.

Dans la rue ou à l’école, je ne sais plus où nos enfants apprennent, s’ils apprennent à lire, à compter et surtout à écrire. Il y en a qui répondent : jamais, nulle part. Parce que l’enseignement, personne ne sait plus ce qu’il signifie et surtout, ce qu’il vise. Pourquoi les maîtres, les directeurs et les inspecteurs oublient-ils d’enseigner la dictée française et le calcul mental ? S’ils n’ont pas oublié, pourquoi les écoliers, les élèves et étudiants d’aujourd’hui ne respectent-ils ni la majuscule au début ni le point à la fin d’une phrase ?

Jésus de Nazareth a dit être venu accomplir la loi jusque dans les détails. Pas un point, pas un iota ne sera négligé, laissé de côté. Je parle de Jésus de Nazareth parce que beaucoup prétendent lire la Bible et donc la vie et l’enseignement de Jésus. Mais peut-on comprendre la Bible sans avoir jamais appris à lire, à comprendre le moindre texte de l’école primaire ou de l’école secondaire ? L’Esprit-Saint vous expliquera la Parole de Dieu, c’est vrai. Encore faut-il se rendre compte qu’il y a des points et des virgules à respecter dans les règles grammaticales. Dans toute parole.

Jean-Baptiste MALENGE Kalunzu

jbmalenge@gmail.com

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