VENDREDI SAINT. LE MYSTERE DE LA CROIX
Méditation proposée par Hortense Masina
Après avoir contemplé Jésus
dans les gestes du lavage des pieds et de la Dernière Cène, les chrétiens du
monde entier célèbrent aujourd’hui la Passion et la mort du Seigneur. Dans la liturgie de ce jour, l’Eucharistie fait place à la Croix. En effet,
la Croix, qui est au centre de cette liturgie, laisse l’espace au silence et à
la contemplation. Le bruit des paroles est, pour une fois, couvert par le
silence qui nous fait prosterner et nous fait entrer dans une prière
d’adoration. C’est ainsi que la célébration sacrée de la Passion du Seigneur
commence dans un silence absolu, sans sons, sans chansons, sans décorations.
Seul le silence.
Cette célébration nous invite donc à tourner notre regard vers
« Celui qu’ils ont transpercé », vers Jésus, et à relire notre vie,
celle de l’Église, celle du monde, à la lumière de ce Corps Crucifié. Restons
donc au pied de la Croix avec Marie, femme des douleurs, en compagnie de tous
ceux qui vivent la souffrance
humaine sous toutes ses formes (la torture physique, la trahison, l’abandon,
l’angoisse, la mort …). La douleur de l’homme et la douleur de Dieu se
rencontrent sur la croix. Le cri de Jésus est aussi le nôtre. C’est l’heure de
l’abandon et de la solitude assourdissante. En ce Vendredi Saint, chacun de
nous est appelé à vivre le scandale et la folie de la Croix dans sa propre
chair. Les récits évangéliques (Jn 18,1-19,42) nous
parlent de Jésus trahi, insulté, giflé, couronné d’épines, moqué et présenté au
peuple comme roi des juifs, condamné et crucifié. La cause de cette souffrance
est spécifiée par le prophète Isaïe : « Il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos
fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures
nous trouvons la guérison » (Is
53, 4-5). Entre les lectures d’Isaïe et de saint Jean, la liturgie insère le
récit de la lettre aux Hébreux (4,14-16 ; 5,7-9). Jésus, Fils de Dieu, est
présenté en sa qualité du Prêtre par excellence. Il est Prêtre et Victime qui
offre son propre sang en expiation des péchés des hommes. Suivre le Christ
Crucifié, c’est accepter d’apporter la croix comme lui, en s’abandonnant à la
volonté du Père : « Père, en tes
mains je remets mon esprit » (Ps
31,6).
Devant la Passion imminente du Seigneur, nous sommes aussi appelés à faire un geste
simple et en même temps très profond : adorer le bois sur lequel le Rédempteur
a livré sa vie pour notre salut. Toute la célébration du Vendredi Saint est
concentrée dans ce simple geste d’adoration de la Sainte Croix sur laquelle est
suspendu l’Innocent par excellence. L’Église nous fait chanter les louanges de ce bois maudit en
l’appelant dulce lignum. Grande
paradoxe! L’arbre sec, emblème de la mort, devient l’arbre de vie d’où
« la joie est venue au monde ». Le Crucifié Innocent est glorifié, le
Sauveur du monde, le bienfaiteur par excellence, est cloué sur la croix comme
un malfaiteur. Jésus souffre en
silence et le Père aussi est en silence : la croix du Christ révèle que Dieu
parle aussi par le silence. Il est présent et nous écoute dans l’obscurité de
la douleur, du rejet et de la solitude. Jésus a essayé tout cela et il a
exprimé toute son angoisse en criant : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Mais, il a
aussi eu la force de dire : « Père,
entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23,46). La croix, en effet, est le lieu où Dieu parle en silence
mais, en même temps, c’est aussi le lieu où l’on sent déjà l’aube de Pâques,
qui jette une autre lumière sur le mystère de la Croix.
Contemplons ce mystère insondable avec la Vierge des Douleurs. La
douleur n’a pas pu plier la Vierge Marie : elle est debout au pied de la croix.
Elle participe en silence à la passion rédemptrice de son fils. Elle est en
pleine communion avec Lui (Jn 19,
26-27). Avec la Vierge des douleurs, apprenons à contempler la Croix en
silence, et apprenons aussi à l’accueillir en silence. Le silence de ceux qui
accueillent la douleur en compagnie de Jésus n’est pas un signe d’impuissance
mais d’une grandeur d’esprit capable de faire de la douleur un instrument de
salut pour soi et pour le monde entier.
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