La maman photographe
La maman
photographe
Ma nièce vendeuse de pain a été désagréablement surprise par la
décision et les manières du nouveau curé de sa paroisse. Il a décidé que la
messe ne ressemblera plus à un marché, et ma nièce qui ignorait alors la
différence se demande pourquoi cela arrive seulement au moment où elle s’est bien
préparée à faire des photos lors de la première communion de son fils.
Le nouveau curé a interdit tout sifflet, tout vuvuzela dans
l’église, quelle que soit la circonstance. Ma nièce le comprend et l’approuve.
L’église n’est pas un stade de football, il faut du respect, dit-elle, désapprouvant
cette mauvaise habitude qui s’installe à Kinshasa où des sifflets et des
vuvuzelas s’introduisent partout et empêchent toute concentration. On donne
l’impression que toute notre vie pourrait être un jeu. Ma nièce désapprouve. Mais
ma nièce ne comprend pas que le nouveau curé interdise aussi aux parents de photographier
leur enfant qui reçoit le corps du Christ pour la première fois de sa vie.
Le nouveau curé a expliqué dès le début de la messe que l’église
n’était pas un marché où tout le monde bouge, se déplace comme il veut. Dans
l’église, chacun garde sa place, chacun se lève ou s’assoit, chacun danse ou ne
danse pas, non par son propre sentiment, mais selon un ordre déjà réglé. C’est
la liturgie, a dit le curé, ajoutant que cet ordre n’est pas décidé par lui ni
par aucun membre de l’assemblée, que cet ordre est plutôt celui de l’Eglise,
qu’il n’y a qu’à le respecter. Le curé a par conséquent expliqué pourquoi seuls
deux photographes professionnels déjà choisis prendraient des photos de tous
les enfants. Les parents devront se procurer les photos après la messe.
Ma nièce était déçue, parce qu’elle s’était bien préparée. Depuis
de long mois, elle avait mis de côté de l’argent pour la fête de la première
communion. Elle avait acheté des habits bien neufs pour son enfant et pour
elle-même. Elle s’est même accordé un luxe : elle a acheté un smartphone,
un beau téléphone mobile doté d’une caméra. Avec l’aide d’un voisin, ma nièce
s’est exercée pendant des jours pour savoir enfin prendre une photo, tenir le
téléphone comme il convient au vu et au su de toute la nombreuse assemblée du
dimanche. Ma nièce a particulièrement appris comment utiliser le zoom pour
éloigner ou rapprocher la personne à photographier sans avoir besoin de
s’approcher soi-même comme font les mauvais photographes en diverses
circonstances.
Ma nièce s’était bien préparée. Elle avait donc soigné
particulièrement ses ongles. Elle les a vernis de rouge éclatant pour que ceux
qui la regarderont prendre son fils en photo voient aussi les belles mains et
les beaux ongles de la maman photographe. Mais tout ce beau projet et tous ces
efforts, qui ont coûté du temps et de l’argent, le nouveau curé est venu les
faire échouer. Il commence mal, ce nouveau curé. Ma nièce a osé le penser ainsi
dans son cœur.
Ma nièce est vraiment déçue. Je la comprends. Mais elle m’a dit
plus tard comprendre, c’est-à-dire accepter que l’église ne ressemble pas au
marché où elle vend du pain. Ma nièce a suivi à la télévision une messe présidée
par le pape sur la Place Saint-Pierre à Rome. Le pape et les cardinaux et tous
les autres, on les voit bien dans leurs moindres gestes. Mais à comparer avec
les cérémonies liturgiques de Kinshasa, ma nièce cherchait en vain à apercevoir
un photographe ou un cameraman. Pourtant, ils bien étaient là, puisque les
images qui nous parviennent existent. Ma nièce a fini par comprendre lorsque je
lui ai expliqué que le photographe n’est pas un acteur liturgique. Dans la vie
de l’Eglise du vingt-et-unième siècle, les photos, nous en avons besoin. Le
pape, le premier, en a besoin pour l’évangélisation du monde. Mais le
photographe qui montre ne doit pas se montrer lui-même. Photographe,
efface-toi.
Jean-Baptiste MALENGE Kalunzu
jbmalenge@gmail.com
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Merci de laisser votre commentaire ici.