Témoignage de Sœur Astrid Tete sur l’agression, le 12 novembre 2018, du couvent des Sœurs Salésiennes de la visitation à Bandundu-Ville



Quatre bandits armés avaient commencé par attaquer le curé de la paroisse Nto-Luzingu, le père polonais Pierre Handziuk, de la congrégation des missionnaires du verbe divin. Pour l’empêcher d’appeler au secours, les bandits l’ont  emmené de force à la communauté voisine des Sœurs salésiennes de la visitation. La supérieure de la Communauté, sœur Astrid Tete, 78ans, raconte.




A 1H 30 du matin, un cri retentit vers le dispensaire, puis un coup de fusil, et un petit temps d’accalmie. Et tout un coup, des coups de pieds violents ouvrent l’une après l’autre les portes de la maison.
Quatre hommes, de la quarantaine, des casquettes en visière, munis de lampes de poche, sont entrés. Ils vont droit à la chapelle, ouvrent le tabernacle, car la clé y est déposée au-dessus. Ils ne voient que le ciboire et l’ostensoir, ils les renversent par terre.
Ils sont à la porte du couloir de nos chambres. Sur un coup de pied, ils poussent la porte de Sœur Félicité Mukedi. Mais de l’intérieur, la sœur résiste en essayant de repousser la porte ; ils réussissent à ouvrir. Deux entrent et menacent la sœur : «  Pesa mbongo, donne de l’argent ! », disent-ils en langue lingala. La soeur crie, un assaillant la frappe avec la lame d’une machette Tramontina. Ils la frappent plusieurs fois. Ils fouillent partout : sous le matelas, dans la garde-robe, les toilettes. Ils ramassent tout l’argent qu’ils trouvent, en francs congolais et en dollars américains. Ils fourrent tout dans le sac à dos de la religieuse.
J’ouvre ma porte et je leur dis : « Que faites-vous là ? Laisser la sœur, venez ici, vous me tuerez d’abord moi, leur maman, et elles après moi. »
Ils viennent vers  moi, car je suis debout devant ma porte. L’un d’eux me donne un coup de pied au cœur. Je me retrouve par terre dans le couloir. Sœur Félicité et le père viennent à côté de moi.



 





Les bandits sont maîtres du domaine, ils prennent ma valise, fouillent en jetant tout par terre, ouvrent l’armoire, cherchent le « mbongo », l’argent, et prennent les 2 téléphones et chargeurs universels qu’ils trouvent.
Puis, ils vont chez Soeur Jeanne Iyili. Ils donnent plusieurs coups de pied, la porte ne cède pas. Fâchés, ils prennent une machette Tramontina et transpercent la porte en bois. Ils entrent et frappent copieusement sœur Jeanne. « Tu es têtue, pourquoi n’ouvres-tu pas ? », lui disent-ils. Ils lui donnent un coup dur à l’épaule et des gifles, qui font gonfler l’œil. « Donne de l’argent ou on te tue », menacent-ils. Ils ont un fusil, un revolver et des machettes. « Madre, je meurs », crie la soeur Jeanne. Ils ne veulent pas la faire sortir, ils déchirent sa robe de nuit et fouillent sous son lit. Ils prennent tout ce qu’ils trouvent, même un billet de 50 francs congolais déchiré.
Ils font sortir la sœur Jeanne et l’amènent chez la soeur Marie Lubu-Lubu. Celle-ci, depuis leur présence dans la maison, se cachait dans la douche pour téléphoner, appelant les autorités qui pouvaient secourir. Partout, ça sonnait, mais en vain, personne ne décrochait. Par un coup de pied, les bandits sont entrés. Ils tirent sœur Jeanne de la douche en la giflant, l’accusant d’être têtue. Fouillant sous le lit, dans les cartons, ils ont pris tout l’argent du centre hospitalier, une montre et des téléphones.
Sœur Ghislaine Ntakungu, entretemps, étaient sortie de sa chambre. « Où vas-tu ? Donne le téléphone. » Elle leur remet le téléphone et sort en disant : « Je vais chercher l’argent au centre hospitalier. » Ainsi entrée par la chapelle, elle sort discrètement par une petite porte. Elle va jusqu’à la porcherie pour s’y réfugier. Mais elle n’a aucun moyen pour alerter qui que ce soit. Dans la maison, derrière elle, des coups se succèdent, toutes les chambres sont visitées. Je dis : « Je vous supplie de ne pas toucher celle qui est en face de moi. Elle vient d’être opérée. Et l’autre est notre doyenne d’âge ».
Mais à sœur Micheline, convalescente, les bandits demandent bel et bien de l’argent. « Sinon, on te tue », menacent-ils. La sœur les supplie, leur rappelle qu’elle vient d’être opérée. « Donne-nous de l’argent », insistent-ils. Ils fouillent partout et prennent de l’argent, un téléphone et une montre.
Dans toutes les chambres, ils ont pris tout ce dont ils avaient besoin, car ils ont vraiment eu tout le temps, jusque vers trois heures du matin. A chaque fois que les quatre avaient pris un bien, un d’eux allait le remettre à un autre placé en ceinture au dehors. Etaient-ils nombreux au dehors ? Nous ne le savons pas. Ceux qui étaient dans la maison lançaient un slogan, en langue lingala : « Tampwo, prenez tout, ne laissez rien comme argent. »

Où était notre veilleur de nuit ? Dehors. Les bandits avaient commencé par le ligoter, et lui avaient bandé les yeux avec un rideau. « Tu mourras comme une bête, qui va te sauver ? Sais-tu pourquoi nous venons ici  et qui nous a envoyés ? », lui avaient dit les bandits.
A 3h30, mission accomplie, ils sont ressortis, et le père curé, libéré, est rentré chez lui.

Quand ils sont partis, des soeurs ont beaucoup pleuré. Et nous sommes restées là toute la journée, fatiguées de n’avoir pas dormi et souffrant d’avoir été secouées, frappées. Le matin, le père curé a eu le courage de célébrer la messe dans l’église paroissiale. Et à la fin, il a annoncé la nouvelle aux paroissiens. Beaucoup sont venus sous la pluie nous manifester leur sympathie. Les mamans pleuraient.
Nous rendons grâce au Seigneur notre Dieu. Il nous a protégées et gardées en vie.
Mieux vaut s’appuyer sur le Seigneur que de compter sur les puissants (Ps 117).
Nous en sommes sûres. Merci pour toutes les prières et sympathies, solidarités qui nous ont été manifestées. Que Dieu vous bénisse !

Sœur Astrid Tete
Supérieure de la communauté
des Sœurs salésiennes de la visitation
Bandundu-Ville, Province du Kwilu, RD Congo

 

Rencontre des autorités politiques et administratives

Le jour même, la sœur Félicité Mukedi et une délégation des consacrés de la ville de Bandundu, prêtres et religieuses, sont allés rencontrer le gouverneur de la province du Kwilu, Michel Bala-Bala, pour lui faire rapport et lui demander de leur assurer la sécurité. La délégation a également  rencontré  le président de l’Assemblée provinciale, Willy Esundal.
Deux jours plus tard, la supérieure provinciale des Soeurs salésiennes de la visitation, sœur Angélique Wolang, venue de Kinshasa, est allée à Bandundu réconforter ses consœurs. Elle a aussi rencontré les autorités politiques : le gouverneur de la province du Kwilu, le président de l’Assemblée provinciale et le ministre provincial de l’intérieur, Kumarer. Elle leur a demandé  de prendre des mesures pour sécuriser les consacrés et la population.
Selon les nouvelles reçues de la Commission diocésaine Justice et Paix du diocèse de Kenge, le gouverneur de province a convoqué une réunion sur la sécurité. Des suspects auraient été interpellés. Et depuis, chaque nuit, la police fait la patrouille, à travers la ville.
L’agression des couvents n’a pas été l’unique cas d’insécurité. En une semaine, la ville de Bandundu en avait déjà été secouée.

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(Mise à jour du 10 décembre 2018)


  
 La supérieure générale des Soeurs salésiennes de la visitation, soeur Eliane Duquenne, est venue de Belgique pour Kinshasa et pour Bandundu pour témoigner aux soeurs affectées la fraternité de l'ensemble de leurs consoeurs. La supérieure provinciale d'Afrique, soeur Angélique Wolang, a accompagné la supérieure générale.

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